Page:Amélie Gex - Poésies - 1879.pdf/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53

Fais-tu, comme un jouet, tourbillonner les mondes
Au gré de ton caprice ? ou de tes mains fécondes
Chaque œuvre serait-elle immolée en naissant ?…

Non ! Tu n’es point un Dieu distrait ou versatile :
Sur ton trône de gloire, immuable et tranquille,
            Tu restes l’Eternel !
L’univers est présent à ta vaste pensée :
L’astre roi de l’Ether, la fleur sèche et froissée
Ont tous deux même part du regard paternel.

Mais l’homme !… l’homme seul dans tes bras tu l’enserres,
L’homme tu le poursuis l’homme tu le lacères !…
            Tu n’en fais qu’un lambeau !
Il prie… — et tout est sourd. Il pleure… — et rien ne vibre.
Il marche vers la mort en croyant être libre…
Le doute le retient sur le seuil du tombeau !

… Tu fécondes l’amour des loups et des vipères !
Les vautours ont des nids… et les tigres sont pères !
            L’aigle dort en repos ;
L’âne trouve toujours un chardon sur sa route ;
L’insecte a le gazon, l’hirondelle une voûte ;
La terre a la rosée… et l’homme ? — les sanglots ! —

Oui, les pleurs ! oui, la soif ! oui, l’effroi, le silence !
Dans le cœur, le désir ; dans l’âme, l’ignorance ;
            Dans l’esprit, les combats.