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Quelquefois nous causions… C’etait plaisir d’entendre
Les projets d’avenir que formait Alexandre,
Qui toujours de sa vie en m’offrant la moitié,
Ne voyait de bonheur que dans notre amitié :
« Vois-tu, me disait-il, quand tu seras ma femme
« Ce sera bien gentil ! Tu seras grande dame :
« J’achèterai pour toi des robes de velours,
« Des rubans, des bonbons, des gâteaux tous les jours.
« Je serai général à la cour d’un grand prince
« Ou bien, peut-être encor, gouverneur de province.
« Nous aurons des chevaux, des carrosses dorés,
« Des châteaux, des palais richement décorés.
« — N’aurons-nous point d’enfants ? Moi je veux une fille
« Qui ne pleure pas trop quand sa bonne l’habille ;
« Dieu nous la donnera si nous la demandons !…
« — Demande-la pour toi, moi je veux deux garçons :
« L’un sera, comme moi, très vaillant militaire..
« — Et l’autre ? — Je verrai ce que j’en pourrai faire. »
Et nous faisions le plan de l’éducation ;
Je voulais l’externat et lui la pension ;
Mais tout s’arrangerait : notre petit ménage
Serait du paradis une vivante image.

Hélas ! tout ce bonheur que nous avions rêvé
Deux ou trois ans plus tard nous était enlevé !
Le futur général fut mis au séminaire
Et son oncle en a fait un modeste notaire.
Nous rions quelquefois quand nous songeons tous deux
Au temps où nous étions de petits amoureux.