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LES DEUX TRISTESSES.



Avez-vous vu le soir, sur la falaise brune
Où la vague brisée, en grondant, vient mourir,
Dans le ciel orageux, tout d’un coup, s’entr’ouvrir
                L’œil blafard de la lune ?

La mer, la triste mer, dans sa plainte importune,
Comme un lion vaincu, semble geindre ou rugir,
Pendant que l’astre pâle, en passant, fait blanchir
                Les sables de la dune…

Ces sanglots, ce regard ont chacun leur secret :
La mer est le forçat ; la lune est l’exilée ;
Toutes deux subissant un sinistre décret !…

Pour tout être, ici-bas, leur douleur est scellée ;
C’est pourquoi, la maudite et l’âpre désolée
N’échangent que la nuit leur éternel regret !