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Tu seras le voyant ! tu seras le prophète !
De tous les hauts sommets, découvrant le chemin,
Sans cesse, dans les vents, la foudre et la tempête,
Reste le timonier du pâle genre humain !

Verse ton cœur, ton âme et tes pleurs sur la foule ;
Donne-toi tout entier sans jamais te lasser.
Que ta sainte douleur soit le baume qui coule
De l’arbre que le fer aigu vient de blesser !

Oui, Maître, c’est bien là ton âpre destinée !
Toujours meurtri ! toujours saignant ! toujours brisé !
Mais, sublime en sa foi, ta grande âme obstinée
Courbe sous le malheur un front cicatrisé !

Et tu dis : « Je serai, sur le bord de ce gouffre
Que le mal a creusé dans ce temps vermoulu,
La voix qui crie encore à chaque être qui souffre :
Tout martyr ici-baş est au Ciel un élu ! »

D’autres vont s’en aller en ayant la main pleine
D’amour, de volupté, de richesses, d’honneurs ;
Toi, tu t’endormiras, la figure sereine,
Riche de tout le bien que tu fis à nos cœurs !