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AMÉLIE

partie ; il s’agissait d’aller dîner à la campagne, trois femmes avec un seul homme ; Sophie n’était pas de cet avis, elle craignait de s’ennuyer ; l’autre ne savait trop que répondre.

— Pourquoi refuserions-nous, leur dis-je, de faire une partie qui, d’abord, j’en conviens, paraîtra bizarre ; mais qui peut aussi nous procurer beaucoup d’agrément ? N’êtes-vous pas curieuses de voir comment se tirera d’affaire, un homme assez imprudent pour faire une pareille proposition à trois femmes comme nous, qui sommes, l’une après l’autre, en état de lui tenir tête ? Pour moi, je vous avoue que je suis prête à partir, bien convaincue que celui qui se propose n’est pas un homme ordinaire ; et qu’en supposant que nous ne trouvions pas en lui toutes les ressources qu’une seule aurait le droit d’exiger de ses forces, il doit les suppléer par un fonds inépuisable d’esprit, qui nous promet au moins les charmes de la société. Allons, il n’y a pas à balancer, le temps est superbe, il faut en profiter.

On céda à mes sollicitations, et la Dupré sortit, pour rendre notre réponse, et ne demander que le temps nécessaire à nous préparer.

Quand nous parûmes au salon, ce jeune homme vint à nous, et nous dit les choses les plus flatteuses, en s’adressant à nous trois en général, sans paraître s’attacher à l’une, de préférence à l’autre : il nous remercia beaucoup de