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AMÉLIE

absolument de tout, après avoir payé si chèrement quatre mois d’existence chez Victoire, il ne me restait qu’un parti, celui de me jeter, en détournant les yeux, dans les bras de l’une de ces femmes qui savent faire valoir les appas des autres, sans leur donner le désagrément de les offrir. Je ne me dissimulai pas que le crime est toujours le même ; mais je m’aveuglai sur la honte qu’il imprime à celle qui s’en rend coupable, en croyant trouver une excuse dans la manière de le commettre.

J’imaginai que, pour me faire connaître de cette espèce de femmes, il fallait me montrer au spectacle, et que c’était là la recette infaillible ; heureusement que j’avais fait un peu de toilette, quand j’étais sortie de chez Victoire ; je n’eus besoin que de me faire coiffer, et me rendis de bonne heure aux Italiens.

À peine étais-je placée, que je vis entrer dans la loge où j’étais, une femme attirée, sans doute, par le fumet d’un gibier qu’elle chassait souvent. Je jugeai, à sa tournure, qu’elle était une de celles que je cherchais ; en effet, elle ne tarda pas à lier avec moi une conversation, qui d’abord fut très indifférente, mais qui devint bientôt plus sérieuse. Quand je l’eus assez entendue, pour ne pas me tromper sur son compte, je glissai adroitement quelques mots sur la position où je me trouvais : elle me fit entrevoir la possibilité de la changer promptement, et de me