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AMÉLIE

destinée venait de me plonger ; car il est bon de savoir que je n’avais qu’un louis en or et un peu de monnaie ; et qu’avec une somme si modique, on ne va pas ordinairement bien loin.

Je m’adressai donc à la première boutique, et je priai une dame que j’y trouvai, de m’indiquer une maison garnie où je pusse aller coucher. Elle eut l’honnêteté de sortir et de me montrer une rue, où elle me dit que je trouverais ce que je cherchais. Effectivement, je ne m’adressai qu’à une seule personne qui me conduisit à cette maison tant désirée.

Elle était tenue par un tailleur, qui occupait la boutique ; je lui demandai s’il avait vacant un cabinet garni, et s’il voulait me le louer : il me dit que la seule chambre qui lui restât était au second étage, sur le devant ; qu’il ne pouvait la louer moins de dix-huit francs par mois, et que l’usage de sa maison était de payer quinze jours d’avance. Ce n’était pas le cas de marchander ; je lui payai ce qu’il exigeait, et je pris possession de cette chambre.

La scélératesse de Victoire était toujours présente à ma pensée : livrée à moi-même, sans apercevoir le moment qui me rendrait à la société, dont je me croyais séparée pour jamais, cette solitude me fit sentir toute l’horreur de ma situation. Ce fut là, que du fond de l’abîme, où cette indigne amie m’avait précipitée, je m’abandonnai aux plus cruelles réflexions. Incapable