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AMÉLIE

Adélaïde et moi nous faisons, sans hésiter, puisqu’il n’y avait plus que ce parti, le saut qui devait nous sauver la vie ; heureusement, nous ne nous faisons point de mal. Georges, sur le toit, allait s’élancer près de nous ; un coup de feu part du corridor, l’atteint, et le fait rouler à nos pieds.

Ô fatalité ! destin inexplicable ! Georges et moi nous sommes victimes de la férocité de deux barbares ; l’innocence un moment triomphe ; l’un périt sous les coups de mon amant, et l’autre l’assassiné. Grands dieux ! faites donc briller à mes yeux la lumière céleste ! ou dites-moi ce que c’est que la justice éternelle ?

Je m’élance sur le corps de l’infortuné Georges ; je couvre de baisers sa bouche, qui venait, un instant auparavant, de me jurer une flamme éternelle ; je l’appelle, mais vainement ; il n’existait plus. Cependant Adélaïde a repris ses sens.

— Fuyons, mademoiselle, fuyons ce spectacle déchirant, puisque, hélas ! nos soins ne sont plus nécessaires à votre malheureux amant. Si les traîtres sont sûrs de la mort de Georges, ils vont nous poursuivre, et nous avons le temps de nous éloigner, si vous voulez m’en croire.

Je ne pouvais pas me tenir sur mes jambes.

— Fuyons donc, mademoiselle, je vous le répète, ou la mort la plus cruelle va nous faire expier celle du marquis, si nous retombons dans les mains du baron et de ses gens.