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AMÉLIE

Au milieu des plaisirs qui cherchaient à m’environner ; placé devant ceux qui devaient leur succéder, dans un lieu fortuné qui ne se relâcherait jamais que pour me laisser cueillir les fleurs de l’hymen, je n’étais pas heureux. De cruels souvenirs minaient insensiblement l’édifice d’un bonheur qui n’était qu’idéal, rongeaient la chaîne qui m’attachait à cette aimable famille, et détruisaient, par degrés, toutes mes espérances. Je retrouvais bien un père tendre et généreux dans celui de Cécile, mais je ne pouvais oublier que j’en avais un que la nature réclamait, et les droits de la nature étant plus sacrés que ceux de l’amour, je ne voyais pas de possibilité à former un engagement qui pourrait contrarier les vues de celui qui devait y consentir, dans le cas où, n’ayant pas perdu l’espoir de me retrouver un jour, il aurait des projets que la tendresse filiale ne permet pas de traverser. Je m’attendais bien aussi que le père de Cécile, qui m’avait quelquefois parlé du mien, avec le désir ardent de le connaître, parce qu’il devait, selon lui, et d’après l’éloge que j’avais souvent osé en faire, devenir son ami, me demanderait au moins un consentement que je n’étais pas sûr d’obtenir.

D’un autre côté, ma chère Amélie, j’avais à me reprocher d’avoir séduit ton cœur ; d’être la cause de tes chagrins. J’ignorais, à la vérité, si tu étais réellement malheureuse, ou si tu