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AMÉLIE

père tendrement aimé, et je me plaisais quelquefois à voiler le passé, pour tromper, en le voyant, mes regrets sur la perte de celui que je ne m’attendais plus à revoir.

Ce brave homme était veuf depuis dix ans ; les chagrins qu’il avait eus pendant une union de douze années, avec une femme d’un caractère difficile, l’avaient empêché de former d’autres liens, de peur de retrouver, dans une seconde épouse, l’ombre seulement de celle qu’il ne pouvait se rappeler sans indignation. De plusieurs enfants qu’il avait eus de ce mariage, il ne lui restait qu’une fille, nommée Cécile, qui avait alors dix-huit ans : cette jeune personne était d’une rare beauté et douée des plus excellentes qualités ; mais elle se faisait surtout remarquer par sa tendresse pour son père, dont elle était la consolation depuis plusieurs années.

Il avait souvent parlé des malheurs qu’entraîne après soi une union mal assortie et désirait ardemment éviter à sa fille, qu’il aimait au-delà de l’imagination, un destin semblable à celui dont il avait ressenti les rigueurs. Il s’était expliqué ouvertement à ce sujet, et avait dit que lorsqu’il établirait sa chère Cécile, il s’embarrasserait peu de trouver un gendre fortuné, parce qu’il pouvait l’enrichir ; mais qu’il rechercherait, avec le plus grand soin, un homme dont les mœurs douces et la probité pourraient contribuer à faire le bonheur de sa fille.