— Oui.
— Oui, répondons-nous ensemble… Mais par quel événement heureux nous rencontrons-nous dans un pays aussi éloigné du nôtre, après nous avoir crus séparés pour jamais ?
Et sans penser que nous étions sur une place publique, nous nous tenions étroitement serrés dans les bras l’un de l’autre.
— Quoi ! lui dis-je en le regardant avec une joie excessive, que l’étonnement seul pouvait contenir, et sans oser me persuader que ce fût lui, quoi ! c’est donc toi !… tu vis !… tu es rendu à mon amour… toi ! que j’ai laissé pour mort au moment où nous venions d’échapper à la barbarie de nos persécuteurs ?
— Oui… c’est bien moi… je suis ce malheureux Georges que la rigueur de son sort a si longtemps privé de celle qui devait faire son bonheur ; mais Georges, le plus heureux des hommes, puisqu’il vient de la retrouver. Et depuis quand es-tu dans cette ville ?
— Depuis un mois, ou plutôt depuis un siècle, puisque nous y étions sans nous voir.
— Qui t’y as conduite ?
— Le hasard.
— Dis plutôt mon bonheur.
— Mais je suis logée place d’Espagne, lui dis-je, viens me conduire, nous jouirons au moins du plaisir d’être quelques heures ensemble, après une aussi longue séparation.