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AMÉLIE

quelle je ne voyais point de bornes, puisque je me trouvais à la merci de mon ennemie, sans pouvoir compter sur aucuns secours. Que faire donc dans une circonstance aussi critique ? Fuir l’indigne rivale qui me menaçait de m’accabler du poids de sa colère était ma seule ressource, mais le moyen d’y parvenir ! Enfermée dans cette maison comme dans une prison d’État, sans espoir d’attendrir, par mes pleurs, mes inflexibles geôliers vendus à leur maîtresse, ou de les corrompre à force d’or, puisque je ne possédais pas une obole, je me résignais en tremblant au sort qui m’attendait, quand Fabricio ouvre doucement la porte de ma chambre et se présente à moi :

— Pardonnez, me dit-il, mademoiselle, si j’ose paraître devant vous, moi, que vous regardez sans doute comme le complice des forfaits de ma sœur, mais qui, bien loin d’approuver les cruautés qu’elle veut exercer sur vous, n’ai paru y donner les mains que pour les prévenir. Si vous saviez ce que j’ai ressenti de peine et de douleurs quand ce matin j’assistai, malgré moi, au premier supplice qu’elle vous a fait endurer, vous n’hésiteriez pas à me donner toute votre confiance.

— Eh bien ! monsieur, lui répondis-je avec vivacité, à quoi tend cet intérêt si grand, que vous paraissez prendre à ce qui me regarde, et quels sont vos projets ?