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AMÉLIE

Nos mesures ainsi prises, nous nous rendîmes chez lui. Il avait un jeune frère, intéressé dans son commerce, sur lequel il se reposait entièrement du soin de sa maison, quand il était obligé de s’absenter ; il lui fit, en arrivant, le mensonge convenu entre nous, et je fus installée comme fille de Richard Black, dont le nom était connu de ce jeune homme.

La maison qu’occupait Borglia était très considérable : il m’y donna un appartement richement meublé, qui fut, en très peu de temps, fourni de tout ce qui pouvait m’être nécessaire. Il le fit si bien distribuer, que, sans paraître l’avoir fait à dessein, il y eut, entre nous deux, communication entière, et jamais le soupçon ne parut pénétrer le voile qui couvrait nos plaisirs.

Enchanté lorsqu’il pouvait trouver le moyen de m’être agréable, il prévenait en tout mes désirs, et avait formé le projet de perfectionner mon éducation ; mais il ne lui fut pas possible d’exécuter tout ce que son cœur lui avait fait imaginer ; je n’eus que le temps de me livrer à l’étude des langues espagnole et italienne, que j’appris en très peu de temps, parce que alors j’avais une mémoire excellente.

Déjà huit mois s’étaient écoulés dans les douceurs de notre union ; rendue pour ainsi dire à la vertu, par l’amour qui jusque-là m’avait causé tant de peines, je jurai de me respecter