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AMÉLIE

ce favori du ciel qui, par son caractère, et comme chargé du soin de m’enseigner la langue anglaise, ne portait aucun ombrage, me donnèrent insensiblement du penchant pour lui. Il ne s’agissait plus que de tirer parti de mes bonnes dispositions. J’avoue que j’en avais grande envie. Je m’étais déjà aperçu plusieurs fois que l’aimable abbé m’avait fixée avec beaucoup d’attention. Je jugeai de là qu’il ne me serait pas difficile de l’amener au point où je le désirais : l’occasion seule m’avait manquée ; l’amour me servit trop bien : elle ne tarda pas à se présenter.

Milord reçut une lettre par laquelle on lui mandait que sa présence était absolument nécessaire à Londres, pour y régler quelques affaires qui concernaient son pupille. Il m’en avertit le soir même, et le lendemain matin, il monta en voiture avec son neveu, en m’assurant qu’il ferait la plus grande diligence, et que, dans deux ou trois jours, au plus tard, il serait de retour. J’eus l’air d’être désespérée de son départ précipité ; trompé par ces marques apparentes de mon attachement, il prit congé de moi, presque aussi satisfait de ma tendresse, que j’allais être flattée de son absence.

Rentrée avec l’abbé, qui avait aussi fait ses adieux, je parus désolée, pour lui, de l’espèce de solitude à laquelle ce voyage allait le livrer ; je le plaignis de l’ennui qui l’attendait pendant l’absence de milord et de son élève.