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AMÉLIE

Les rites du pèlerinage furent suivis avec la plus scrupuleuse exactitude ; mais si les prières ferventes que nous fîmes aux neuf stations que nous avions fixées nous méritèrent les regards favorables de la divinité qui en était l’objet, elles me laissèrent à moi un souvenir bien cruel de mes bontés pour l’indigne acolyte que je m’étais choisi.

La neuvaine expirée, nous revînmes à Paris : malheureusement pour moi, mon conducteur me ramena trop près de la maison : comme je descendais de voiture, la Dupré sortait de chez elle. Dès qu’elle me voit, elle rentre et m’attend dans l’escalier. Je comptais bien sur un peu d’humeur de sa part, pour ne l’avoir pas prévenue d’une si longue absence ; mais j’étais loin de penser que, sans égards pour les services que je lui avais rendus, elle me traiterait avec la dernière indignité. En effet, les expressions les plus révoltantes, les manières les plus brusques, tout fut mis en usage contre moi par cette méchante femme ; et jamais on ne fit à quelqu’un une scène plus abominable.

Je l’écoutai d’abord avec assez de patience ; mais lasse enfin de son intarissable et brutale éloquence, je me débarrassai d’elle et courus à ma chambre. Elle voulut m’y suivre ; je m’y enfermai ; et si par ce moyen j’évitai sa présence, je ne pus me dispenser d’entendre les injures dégoûtantes qu’elle ne cessa de vomir contre