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AMÉLIE

mais, néanmoins, il sut se contenir jusqu’à ce qu’enfin un cri perçant, que je poussai, parce qu’on me faisait violence, le fit voler à mon secours.

Il me trouva étendue sur le plancher, où je me débattais, cherchant à me débarrasser des mains de mon oppresseur. Lindner avait l’épée à la main ; il allait l’immoler à sa fureur, quand celui-ci s’arme de la sienne et se met en défense. Les voyant prêts à s’égorger, je me jette entre eux pour les empêcher de se battre ; mais l’un est trop fier pour demander pardon, l’autre trop offensé pour l’accorder ; ils sentent bien qu’ils ne pourront jamais, en ma présence, vider leur querelle ; ils sortent, malgré les efforts que je fais pour retenir mon amant, et vont hors la ville mettre fin à leurs débats. Bientôt, en présence l’un de l’autre, une égale fureur les enflamme ; ils fondent avec impétuosité l’un sur l’autre, et tous deux reçoivent à l’instant même un coup mortel.

Qu’on se représente ma situation, au moment où j’ai vu partir mon amant ; l’inquiétude cruelle qui m’agite pendant tout le temps que je le suppose aux prises avec son adversaire, et le désespoir qui s’empare de moi, lorsque le soir je ne le vois pas rentrer, et que je passe inutilement la nuit à l’attendre. Je crois qu’il n’y a pas de maux qui puissent être comparés aux angoisses que j’éprouvai dans cette circonstance.