Page:Alzog - Histoire universelle de l’Église, tome 1.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

troduisirent les cultes étrangers et leurs pratiques immorales. À mesure que la puissance romaine grandit, que les richesses augmentent, le respect des dieux tombe, le vieux sens romain s’oblitère, la vertu patriotique s’affaiblit, le désintéressement se perd. La corruption gagne rapidement, à mesure que les Romaine admettent la mythologie, les arts et les pédagogues de la Grèce, si nombreux depuis Livius Andronicus (240 av. J. C.), ainsi que sa littérature, déjà si altérée par les Grecs, et que les Romains rendirent bien plus profane encore. Puis arrivent les philosophes de la Péninsule (155 av. J.-C.). La députation de Carnéade, Diogène et Critolaüs est accueillie avec faveur, leur doctrine applaudie ; les stoïciens et les épicuriens viennent à leur tour partager avec les académiciens l’empire des esprits. Le luxe et tout son attirail de vices et de malheurs s’ajoutent à toutes ces causes de désordre après les guerres asiatiques.

Rome avait pu héroïquement vaincre Carthage et Corinthe (146 avant J.-C.), mais elle fut vaincue à son tour par sa propre victoire, le signal de sa décadence. Comme le sens du beau était inné aux Grecs, le sens du droit l’était aux Romains. Mais en s’efforçant de faire prévaloir et dominer partout le droit et la justice, ils en étaient venus à vouloir établir partout leur propre domination et à y soumettre le monde entier. L’homme par lui-même n’était rien : il n’avait de valeur que comme citoyen. « Fonder une monarchie universelle, dit Staudenmaier, telle était leur pensée unique : ils ne connaissaient point de but plus noble de leur vie. La République devint leur dieu ; la religion était toute vouée à son service. Rome devait subjuguer le monde, non pour y propager par son empire les idées pures, morales et divines, mais pour y établir sa vaine domination. Alors, et uniquement dans ce point de vue, elle pratiqua à l’égard de toutes les religions possibles une tolérance qu’on a vainement exaltée, et qui n’était fondée que sur l’indifférence religieuse la plus absolue[1]. »

  1. Léon le Grand dit avec beaucoup de justesse : « Quum Roma universis dominaretur gentibus, omnium gentium servivit erroribus. » (Sermo I de SS. App. et Paulo.) Cf. Walch, de Romanorum