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sur l’opposition du fini et de l’infini, d’où naissent l’ardent désir de voir la résolution finale et universelle de cette opposition, et le dogme de la transmigration des âmes. Le (τὸ) Brahm[1] des Indes est déjà bien plus déterminé que le Tian des Chinois : il l’est surtout quand il se manifeste comme Parabrahma. L’abîme entre le fini et le divin est comblé par les émanations qui, sorties de la substance infinie de l’Être suprême, descendent par des degrés innombrables jusqu’à l’homme, l’animal et la plante ; et se limitent, se restreignent et se dégradent de plus en plus. Les premières émanations sont seules des divinités, tandis que les dernières sont, en expiation de leurs fautes, attachées à la matière comme à des chaînes, y sont retenues captives comme dans une prison. Ainsi tout, dans l’univers, est effluence divine : Dieu anime, vivifie tout ; il est tout ; la création n’est plus qu’une procréation. Dieu est le principe de la génération universelle.

Il y a certainement dans ce système de l’émanation quelque chose de plus élevé que le pur et strict panthéisme, qui n’admet proprement aucune sortie de l’infini de lui-même. Ce qui le prouve, c’est la conscience claire et profonde qu’on y trouve de l’opposition introduite, dans l’histoire et la nature, entre Dieu et l’homme, par suite de la chute de ce dernier, et la conscience non moins claire du péché. Une conséquence de ce péché, c’est que tout ce qui est fini est, comme tel, mauvais, qu’ainsi le monde est mauvais, et présente une continuelle dégradation de l’Être divin, qui, du plus haut de la pureté et de la béatitude, tombe dans les ténèbres épaisses du fini et s’abîme dans les profondeurs d’une incommensurable misère.

À côté de ce souvenir désolant de la chute primitive se trouve la mémoire consolante du retour vers Dieu, but auquel tendent tous les efforts des sages indous, et leur fuite du monde, et leur vie contemplative, et leurs pénitences

  1. « Les Indous ne distinguent pas l’idée pure et métaphysique de l’Être par excellence par les noms des divinités populaires, pas même par le nom de Brahma, considéré comme personne. Ils le considèrent comme une divinité neutre, le Brahma, et, sous cette forme, il signifie l’Être suprême. » (Schlegel, Philos. de l’hist., t. I, p. 146.)