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à celle-là, qu’on se rappelle les abominations des cultes publics, ceux de Bel à Babylone et d’Aphrodite à Chypre et à Corinthe. Des vertus civiques étaient tout ce qu’on pouvait attendre de ces hommes, pour qui la patrie terrestre était tout, et qui ne comprenaient plus ni leur éternelle destinée, ni l’immortalité de l’âme, tant leur religion les attachait exclusivement aux choses finies de la terre. Et ceci explique pourquoi la mort leur paraissait si terrible, pourquoi ils en avaient une si profonde horreur[1]. Sous les formes les plus variées, dans les tons les plus divers, c’est toujours la sombre plainte d’Homère[2] : Il n’est pas d’être plus misérable que l’homme, de tous ceux qui respirent et se meuvent sur la terre. Cet oubli de la destinée de l’homme et de l’immortalité de sa nature produisit l’esclavage, les traitements cruels infligés aux esclaves, le mépris de la vie humaine, vouée, dans les jeux des gladiateurs, aux joies féroces de la multitude. Quand l’homme ne reconnaît plus dans l’homme qu’une existence temporaire, il ne peut plus respecter la dignité humaine, ni en lui ni dans les autres.

Et malgré ces profondes erreurs du paganisme, il conservait encore bien des choses qui le rattachaient et le rappelaient à Dieu, comme il se conserva toujours dans la vie de certains païens des éléments de la vie divine. L’image de Dieu, altérée, obscurcie dans l’âme des païens, n’était point entièrement détruite. La croyance aux dieux multiples prouvait que le sentiment de la Divinité, quoique horriblement faussé, ne s’était point complètement évanoui en eux ; les restes de la révélation avaient maintenu parmi les peuples un reste de conscience divine. Les éléments de cette tradition primitive et le sens profond du mythe, conservés surtout dans les mystères, formèrent en partie la philosophie païenne, dont les lumières divines nous charment et nous étonnent souvent au milieu des ténèbres qui l’enveloppent d’ailleurs. Les systèmes philosophiques, abstraction faite

  1. Lasaulx, de Mortis dominatu in veteres. Monaci, 1835.
  2. Homère, Iliade, XVII, v. 446 et 447. Démocrite dit : « Toute la vie de l’homme n’est qu’infirmité » ; et Sophocle, Antigone, v. 1011 : « La destinée universelle de l’homme est de pécher. » — Voir Staudenmaier, Encyclopédie, t. I, p. 283-86, 2e édit.