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Les gnostiques opposaient à la doctrine de l’Église catholique, qui enseigne, d’une part, que ce monde fini et matériel a été créé de rien par un acte de la toute-puissance divine, et, de l’autre, que le mal, le péché, est né de l’abus de la liberté, un double système, plus fantastique que logique, plein d’images et d’allégories à la façon orientale, pauvre des déductions abstraites et sévères usitées en Occident. À côté de l’idée de Philon, d’un Être invisible et suprême, inaccessible et sans rapport immédiat avec le monde matériel, sphère du mal, ils admettaient la doctrine de l’émanation. Au moyen de cette émanation, devenant de plus en plus sensible et palpable, le Dieu suprême, idéal de toute perfection et source de toute vie, devait s’être manifesté par une longue série d’esprits divins de plus en plus imparfaits (αἰῶνες)[1]. Un de ces esprits subordonnés (δημιουργός) avait crée le monde et les hommes, dont la nature était plus ou moins spirituelle, psychique ou matérielle (πνευματιϰοί, ψυχιϰοί, ὑλιϰοί). Cependant bien des gnostiques ne voyaient pas comment, même de ces émanations successivement dégradées de l’Être suprême et saint, pouvaient naître le mal et le monde. Pour en expliquer l’origine, ils avaient recours au dualisme, admettant un principe du mal opposé au souverain bien. Ce n’était qu’une traduction des idées orientales et surtout de la doctrine persique d’Ahriman, l’esprit des ténèbres et du mal, qui, en attaquant la sphère lumineuse d’Ormuzd, avait mêlé la lumière aux ténèbres, le divin à la matière. Arrivés là, les gnostiques n’étaient pas loin de l’idée de la Rédemption. Aussi, disaient-ils, c’est un æon supérieur qui doit délivrer l’esprit de ses chaînes terrestres, dégager l’esprit divin de la matière (ὕλη). Mais les efforts de l’homme doivent correspondre à cette action libératrice de l’æon. Les gnostiques prétendaient tirer ces conclusions des rapports du judaïsme avec le Christianisme et de sa doctrine de la Rédemption. Seulement, l’Église, soutenaient-ils, avait avec la suite des temps altéré la vérité, et y avait substitué la foi en son autorité et en son enseignement oral, tandis

  1. De l’époque où s’éleva le syst. gnost. des Æons (Rev. trimestr. de Tub., 1852, p. 442-449).