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d’esprit ni de mœurs[1]. Jean n’est pas un roseau qu’agite le vent : il ne change point avec les caprices d’un peuple mobile et de ses représentants. Jean est le plus grand d’entre ceux qui sont nés de la femme : c’est le Christ lui-même qui le déclare[2]. Il est prophète et plus qu’un prophète[3], car ce n’est pas dans un avenir incertain qu’il promet aux hommes un sort meilleur : il annonce le royaume de Dieu qui est proche, qui est arrivé[4], et cependant celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que le plus grand des prophètes[5].

Mais son ministère public va cesser, car Hérode l’envoie captif dans les prisons de Machœrus[6], et l’y fait mourir, pour satisfaire la passion et la vengeance d’Hérodiade irritée au rapport des Évangiles ; par crainte de la considération que Jean avait acquise auprès du peuple, selon l’historien Josèphe[7]. Le dernier regard de Jean sur la terre fut sans doute son premier regard dans le ciel, car il avait l’œil de la foi et n’avait cessé de le diriger vers celui qui était devant lui. Ses disciples l’ensevelirent, et, fidèles à leur maître, vinrent annoncer sa mort à Jésus ; mais quoique Jean eût si souvent, si clairement désigné Celui qui est la vérité même, l’Agneau de Dieu[8], beaucoup d’entre eux méconnurent la vérité et s’éloignèrent du Sauveur[9] : ils restèrent disciples de Jean. Ainsi, dans la nature, les espèces inférieures ne s’éteignent pas, parce qu’au-dessus d’elles s’en élèvent d’autres d’un ordre supérieur ; pas plus qu’on ne voit disparaître sur-le-champ les espèces intermédiaires, quand même elles servent au développement complet de celles qui sont plus parfaites.

  1. Jean, V, 35.
  2. Matth., XI, 11.
  3. Matth., XI, 9.
  4. C’est ce que l’Église exprime dans l’hymne de saint Jean-Baptiste au jour de sa nativité :
    xxxxxxxxCæteri (sc. prophetæ) tantum cecinere vatum
    xxxxxxxxCorde præsago jubar affuturum :
    xxxxxxxxTu quidem mundi scelus auferentem
    xxxxxxxxxxxxxxxxIndice prodis.
  5. Matth., XI, 11.
  6. Flav. Joseph. Antiq. XVIII, 5, 2.
  7. Matth., XIV, 2, 12 ; XXI, 23-27. Cf. Marc, XI, 27-33 ; Luc, XX, 1-7.
  8. Jean, I, 29, 36.
  9. Jean, III, 26 ; Luc, V, 33 : Matth. IX, 14 ; XI, 2 ; Act. XVIII, 25 ; XIX, 2-7.