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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

On lui connaît un nom sanscrit, Lonica ou Lounia, qui se retrouve dans les langues modernes de l’Inde[1]. Les noms grec Andrachne et latin Portulaca sont tout autres, de même que le groupe des noms Cholza en persan, Khursa ou Koursa en hindoustani, Kourfa Kara-or en arabe, en tartare, qui paraissent l’origine de Kurza-noga en polonais, Kurj-noha en bohème, Kreusel en allemand, sans parler du nom Schrucha des Russes et de quelques autres de l’Asie orientale[2]. Il n’est pas nécessaire d’être linguiste pour voir certaines dérivations dans ces noms, indiquant que les peuples asiatiques dans leurs migrations diverses ont transporté leurs noms de la plante ; mais cela ne prouve pas qu’ils l’aient transportée elle-même. Ils peuvent l’avoir reconnue dans les pays où ils arrivaient. D’un autre côté l’existence de trois ou quatre racines différentes fait présumer que des peuples européens antérieurs aux migrations des Asiatiques avaient déjà des noms pour l’espèce, et que celle-ci, par conséquent, est très ancienne en Europe comme en Asie.

L’état cultivé, naturalisé autour des cultures ou spontané est bien difficile à connaître pour une plante si répandue et qui se propage facilement au moyen de ses petites graines, en nombre immense.

A l’est du continent asiatique, elle ne paraît pas aussi ancienne que dans l’ouest, et jamais les auteurs ne disent que ce soit une plante spontanée[3]. Dans l’Inde, c’est bien différent. Sir J. Hooker dit[4] : Croissant dans l’Inde jusqu’à 5000 p. dans l’Himalaya. Il indique aussi dans le nord-ouest de l’Inde la variété à tige dressée qu’on cultive, avec l’ordinaire, en Europe. Je ne trouve rien de positif sur les localités de Perse, mais on en mentionne de si nombreuses et dans des pays si peu cultivés, sur les bords de la mer Caspienne, autour du Caucase, et même dans la Russie méridionale[5], qu’il est difficile de ne pas admettre l’indigénat dans cette région centrale d’où les peuples asiatiques ont envahi l’Europe. En Grèce, la plante est spontanée aussi bien que cultivée[6]. Plus loin, vers l’ouest, en Italie, etc., on recommence à trouver dans les flores pour toute indication les champs, les jardins, les décombres et autres stations suspectes[7].

Ainsi les documents linguistiques et botaniques concourent à faire regarder l’espèce comme originaire de toute la région qui s’étend de l’Himalaya occidental à la Russie méridionale et la Grèce.

  1. Piddington, Index to indian plants.
  2. Nemnich, Polygl. Lexicon Naturgesch., 2, p. 1047.
  3. Loureiro, Fl. Cochinch. 1, p. 359 ; Franchet et Savatier, Enum. plant. Japon., 1, p. 53 ; Bentham, Fl. Hongkong, p. 127.
  4. Hooker, Fl. brit. Ind., 1, p. 240.
  5. Ledebour, Fl. ross., 2, p. 145. Lindemann, Prodr. fl. Chers., p. 74, dit : In desertis et arenosis inter Cherson et Berislaw, circa Odessam.
  6. Lenz, Bot. d. Alt., p. 632 ; Heldreich, Fl. attisch. Ebene, p. 483.
  7. Bertol., Fl. it., v. 5 ; Gussone, Fl. sic. vol 1 ; Moris, Fl. sard., v, 2 ; Willkomm et Lange, Prodr. fl. hisp., v. 3.