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LÉGUMES. — CHOU ORDINAIRE

présence dans les îles de l’Europe occidentale est favorable à cette dernière hypothèse, mais l’absence dans celles de la mer Méditerranée lui est contraire[1].

Voyons si les données historiques et linguistiques ajoutent quelque chose aux faits de la géographie botanique.

Et d’abord c’est en Europe que les variétés innombrables de choux se sont formées[2], principalement depuis les anciens Grecs. Théophraste en distinguait trois, Pline un nombre double, Tournefort une vingtaine, de Candolle plus de trente. Ce n’est pas d’Orient que sont venues ces modifications, — nouvel indice d’une ancienne culture en Europe et d’une origine européenne.

Les noms vulgaires sont également nombreux dans les langues européennes et rares ou modernes dans les asiatiques. Sans répéter une foule de noms que j’ai cités autrefois[3], je dirai qu’en Europe ils se rattachent à quatre on cinq racines distinctes et anciennes :

Kap ou Kaby dans plusieurs noms celtiques et slaves. Notre nom français Cabus en dérive. L’origine est évidemment la même que pour Caput, à cause de la forme en tête du chou.

Caul, Kohl, de plusieurs langues latines (Caulis, signifiant tige et chou), germaniques (Chôli en ancien allemand, Kohl en allemand moderne, Kaal en danois) et celtiques (Cal en irlandais, Kaol et Kol en breton)[4].

Bresic, Bresych, Brassic, des langues celtiques[5] et latines (Brassica), d’où probablement Berza et Verza des Espagnols et Portugais, Varza des Roumains[6].

Aza, des Basques (Ibères), que M. de Charencey[7] regarde comme propre à la langue euskarienne, mais qui diffère peu des précédents.

Krambai, Crambe, des Grecs et des Latins.

La variété des noms dans les langues celtiques concorde avec l’existence de l’espèce sur les côtes occidentales d’Europe. Si les Aryens Celtes avaient apporté la plante d’Asie, ils n’auraient probablement pas inventé des noms tirés de trois sources différentes. Il est aisé d’admettre, au contraire, que les peuples aryens, voyant le Chou indigène et peut-être employé déjà en

  1. Les Brassica balearica et Br. cretica sont vivaces, presque ligneux, non bisannuels. On s’accorde à les séparer du Br. oleracea.
  2. Aug. Pyr. de Candolle a publié, sur les divisions et subdivisions du Brassica oleracea, un mémoire spécial (Transactions of the hortic. Soc., vol. 5, traduit en allemand, et en français dans la Bibl. univ. agricult., vol. 8), qui est souvent cité comme un modèle dans ce genre.
  3. Alph. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, p. 839.
  4. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. 1, p. 380.
  5. Alph. de Candolle, l. c. ; Ad. Pictet, l. c.
  6. Brandza, Prodr. fl. romane, p. 122.
  7. De Charencey, Recherches sur les noms basques, dans Actes de la Société philologique, 1er mars 1869.