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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

à la Sicile et la Grèce[1]. Dans plusieurs localités d’Allemagne, l’espèce est probablement naturalisée à la suite des cultures.

Il ne parait pas qu’on cultive cette plante depuis plus de cent ou cent cinquante ans. Les botanistes du XVIe siècle n’en parlent que comme d’une espèce sauvage, introduite quelquefois dans les jardins botaniques. Olivier de Serres ne la mentionne pas.

On avait prétendu jadis que c’était un antidote contre la morsure des vipères, et on appelait quelquefois la plante vipérine. Quant à l’étymologie du nom Scorzonère, elle est si évidente qu’on ne comprend pas pourquoi d’anciens auteurs, même Tournefort[2], ont avancé que l’origine est escorso, vipère, en espagnol ou en catalan. Vipère se dit plutôt, en espagnol, vibora.

Il existe en Sicile un Scorzonera deliciosa, Gussone, dont la racine extrêmement sucrée sert à confectionner des bonbons et des sorbets à Palerme[3]. Comment n’a-t-on pas essayé de la cultiver ? Je conviens qu’on m’a servi, à Naples, des glaces à la Scorzonera, que j’ai trouvées détestables, mais elles étaient faites peut-être avec l’espèce ordinaire (Scorzonera hispanica).

Pomme de terre.Solanum tuberosum, Linné.

J’ai exposé, en 1855, et discuté ce qu’on savait alors sur l’origine de la Pomme de terre et sur son introduction en Europe[4]. J’ajouterai maintenant ce qu’on a découvert depuis un quart de siècle. On verra que les données acquises autrefois sont devenues plus certaines et que plusieurs questions accessoires un peu douteuses sont restées telles, avec des probabilités cependant plus fortes en faveur de ce qui me paraissait jadis vraisemblable.

Il est bien prouvé qu’à l’époque de la découverte de l’Amérique la culture de la Pomme de terre était pratiquée, avec toutes les apparences d’un ancien usage, dans les régions tempérées qui s’étendent du Chili à la Nouvelle-Grenade, à des hauteurs différentes selon les degrés de latitude. Cela résulte du témoignage de tous les premiers voyageurs, parmi lesquels je rappellerai Acosta[5] pour le Pérou, et Pierre Cieca, cité par de L’Écluse[6], pour Quito.

Dans les parties tempérées orientales de l’Amérique méridionale, par exemple sur les hauteurs de la Guyane et du Brésil, la Pomme de terre n’était pas connue des indigènes, ou, s’ils

  1. Willkomm et Lange, Prodromus floræ hispanicæ, II, p. 223 ; de Candolle, Flore française, IV, p. 59 ; Koch, Synopsis fl. germ., éd. 2 p, 488 ; Ledebour, Flora rossica, II, p. 794 ; Boissier, Fl. orient., III, p. 767 ; Bertoloni, Flora italica, VIII, p. 365.
  2. Tournefort, Éléments de botanique, p. 379.
  3. Gussone, Synopsis floræ siculæ.
  4. A. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, p. 810 à 816.
  5. Acosta, p. 163, verso.
  6. De L’Écluse (soit Clusius), Rariorum plantarum historia, 1601, pars 2, p. 79, avec figure.