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RAVE ET NAVETS À RACINES CHARNUES

Les innombrables variétés connues sous les noms de Raves, Navets, Choux-raves, Rutabagas, Turneps, avec leurs sous-variétes, se rapportent à quatre espèces de Linné : Brassica Napus, Br. oleracea, Br. Rapa et Br. campestris, ces deux dernières devant être plutôt réunies en une, d après les auteurs modernes. D’autres variétés des mêmes espèces sont cultivées pour les feuilles (choux), les inflorescences (choux-fleurs), ou encore pour l’huile qu’on extrait des graines (colza, navette, etc.). Quand la racine ou le bas de la tige[1] sont charnus, les graines n’abondent pas, et il ne vaut pas la peine d’en tirer de l’huile ; quand ces organes sont minces, c’est au contraire la production de graines qui l’emporte et qui décide de l’emploi économique. En d’autres termes, les réserves de matières nutritives se déposent tantôt dans la partie inférieure et tantôt dans la partie supérieure de la plante, quoique l’organisation de la fleur et du fruit reste semblable ou à peu près.

Nous n’avons pas à nous occuper pour la question d’origine des limites botaniques des espèces et de la classification des races, variétés et sous-variétés[2] attendu que tous les Brassica sont originaires d’Europe et de Sibérie et s’y voient encore, sous quelque forme, à l’état spontané ou presque spontané.

Des plantes aussi communes dans les cultures et dont la germination est si facile se répandent fréquemment autour des terrains cultivés. De là quelque incertitude sur la spontanéité des pieds que l’on rencontre en rase campagne. Cependant Linné indique le Brassica Napus dans les sables du bord de la mer, en Suède (Gotland), en Hollande et en Angleterre, ce qui est confirmé pour la Suède méridionale par Fries[3], lequel, toujours attentif aux questions de cette nature, mentionne le Brassica campestris L. (type du Rapa, avec racines grêles) comme vraiment spontané dans toute la péninsule Scandinave, la Finlande et le Danemark. Ledebour[4] l’indique dans toute la Russie, la Sibérie et sur les rives de la mer Caspienne.

Les flores de l’Asie tempérée et méridionale mentionnent les raves et navets comme cultivés, jamais comme se répandant hors des cultures[5]. C’est déjà un indice d’origine étrangère. Les documents linguistiques ne sont pas moins significatifs.

  1. Dans les raves et navets, la partie renflée est, comme dans le radis, le bas de la tige (au-dessous des cotylédons) avec une portion plus ou moins persistante de la racine (Voir Turpin, Ann. sc. nat., sér. 1, vol. 21) ; dans le choux-rave (Brassica oleracea caulo-Rapa), c’est la tige.
  2. Cette classification a été le sujet d’un mémoire d’Augustin Pyramus de Candolle, couronné par la Société d’horticulture de Londres, qui se trouve dans les Transactions de cette Société, vol. V, dans les Annales de l’agric. franc., vol. 19 et, en abrégé, dans le Systema regni veget., vol. 2, p. 582.
  3. Fries, Summa veget. Scand., I, p. 29.
  4. Ledebour, Fl. ross., I, p. 216.
  5. Boissier, Flora orientalis ; Sir J. Hooker, Flora of british India ; Thun-