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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

lui-même au hasard, et non cultivé, donnait des siliques de Raphanistrum[1]. Une autre différence entre les deux plantes est celle des racines, charnues dans le R. sativus, grêles dans le R. Raphanistrum, mais cela change selon les cultures, d’après des expériences de M. Carrière, jardinier en chef des pépinières du Muséum d’histoire naturelle de Paris[2]. Il a eu l’idée de semer dans un terrain fort et dans un terrain léger du Raphanistrum à racine grêle, et dès la quatrième génération il a récolté des radis charnus, de forme et de couleur variées, comme ceux des jardins. Il en donne même les figures, qui sont véritablement curieuses et probantes. Le goût piquant du radis ne faisait pas défaut. Pour obtenir ces changements, M. Carrière semait au mois de septembre, de manière à rendre la plante presque bisannuelle, au lieu d’annuelle. On comprend qu’il en résulte l’épaississement de la racine, car beaucoup de plantes bisannuelles ont des racines charnues.

Il resterait à faire l’expérience inverse, de semer des radis cultivés dans un mauvais terrain. Probablement, les racines deviendraient de plus en plus maigres, comme les siliques deviennent, en pareil cas, de plus en plus articulées.

D’après l’ensemble des expériences dont nous venons de parler, le Raphanus sativus pourrait bien être une forme du R. Raphanistrum, forme peu stable, déterminée par l’existence de quelques générations dans un terrain fertile. On ne peut pas supposer que les anciens peuples non civilisés aient fait des essais comme ceux de M. Carrière, mais ils ont pu remarquer des Raphanistrum venus dans des terrains fortement fumés, ayant des racines plus ou moins charnues ; sur quoi l’idée de les cultiver a pu leur venir facilement.

Je ferai cependant une objection tirée de la géographie botanique. Le Raphanus Raphanistrum est une plante d’Europe, qui n’existe pas en Asie[3]. Ce n’est donc pas de cette espèce que les habitants de l’Inde, du Japon et de la Chine ont pu tirer les radis qu’ils cultivent depuis des siècles. D’un autre côté, comment le R. Raphanistrum, qu’on suppose transformé en Europe, aurait-il été transmis dans ces temps anciens au travers de toute l’Asie ? Les transports de plantes cultivées ont marché communément d’Asie en Europe. Chang-kien avait bien apporté des légumes de Bactriane en Chine dans le IIe siècle avant Jésus-Christ, mais on ne cite pas le radis comme étant du nombre.

Cran, Cranson, Raifort sauvage.Cochlearia Armoracia, Linné.

  1. Webb, Iter hispaniense, 1838, p. 72.
  2. Carrière, Origine des plantes domestiques démontrée par la culture du Radis sauvage. In-8, 24 pages. 1869.
  3. Ledebour, Fl. ross. ; Boissier, Fl. orient. ; les ouvrages sur la flore de la région du fleuve Amur.