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RADIS, RAIFORT

cine (Radis) ou à quelque comparaison avec la rave (Ravanello en italien, Rabica en espagnol, etc.), mais les Grecs anciens avaient créé le nom spécial de Raphanos (qui lève facilement). Le mot italien Ramoraccio dérive du grec Armoracia, qui signifiait le R. sativus ou quelque espèce voisine. Les modernes l’ont transporté, par erreur, au Cochlearia Armoracia soit Cran, dont il est question plus loin. Les Sémites[1] ont des noms tout autres (Fugla en hébreu, Fuil, fidgel, figl, etc., en arabe). Dans l’Inde, d’après Roxburgh[2], le nom vulgaire d’une variété à racine énorme, aussi grosse quelquefois que la jambe d’un homme, est Moola ou Moolee (prononcez Moula, Mouli), en sanscrit Mooluka (prononcez Moulouka). Enfin, pour la Cochinchine, la Chine et le Japon, les auteurs citent des noms variés, très différents les uns des autres. D’après cette diversité, la culture serait très ancienne de la Grèce au Japon ; mais on ne peut rien en conclure relativement à la patrie originelle comme plante spontanée.

À cet égard, il existe une opinion complètement différente qu’il faut aussi examiner. Plusieurs botanistes[3] soupçonnent que le Raphanus sativus est simplement un état particulier, à grosse racine et à fruit non articulé, du Raphanus Raphanistrum, plante très commune dans les terrains cultivés de l’Europe et de l’Asie tempérées et qu’on trouve aussi à l’état spontané dans les sables et les terrains légers du bord de la mer, par exemple à Saint-Sébastien, en Dalmatie et à Trébizonde[4]. Les localités ordinaires dans les champs abandonnés, et beaucoup de noms vulgaires qui signifient radis sauvage montrent l’affinité des deux plantes. Je n’insisterais pas si leur identité supposée n’était qu’une présomption, mais elle repose sur des expériences et des observations qu’il est important de connaître.

Dans le R. Raphanistrum la silique est articulée, c’est-à-dire étroite de place en place, et les graines sont contenues dans chaque article. Dans le R. sativus, la silique est continue et forme une seule cavité intérieure. Quelques botanistes avaient constitué sur cette différence des genres distincts, Raphanistrum et Raphanus, Mais trois observateurs très exacts, Webb, J. Gay et Spach, ont constaté, parmi des pieds de Raphanus sativus, venant des mêmes graines, des siliques tantôt uniloculaires et tantôt articulées, qui sont alors bi ou pluriloculaires[5]. Webb ayant répété plus tard ces expériences est arrivé aux mêmes résultats, avec un détail de plus, assez important : le radis semé de

  1. D’après mon Dictionnaire manuscrit des noms vulgaires, tiré des flores qui existaient il y a trente ans.
  2. Roxburgh, Fl., ind., III, p. 126.
  3. Webb, Phytogr. Canar., p. 83 ; Iter hisp., p. 71 ; Bentham, Fl. Hongkong, p. 17 ; Hooker, Fl. brit. Ind., I, p. 166.
  4. Willkomm et Lange, Prodr. fl. hisp., III, p. 748 ; Viviani Fl. dalmat., 411, p. 104 ; Boissier, Fl. orient.,, I, p. 401.
  5. Webb, Phytographia canariensis, I, p. 83.