Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
369
OBSERVATIONS GÉNÉRALES

certains genres, en s’appuyant sur les caractères qui varient le moins dans la culture.

Quelques espèces originaires de pays assez bien explorés et impossibles à confondre avec d’autres, parce qu’elles sont uniques chacune dans son genre, n’ont pas été trouvées à l’état sauvage, ou l’ont été une fois seulement, ce qui peut faire présumer qu’elles sont éteintes dans la nature, ou en voie d’extinction. Je veux parler du Maïs et de la Fève (voir p. 311 et 253). J’indique aussi, dans l’article 4, d’autres plantes qui paraissent en voie d’extinction depuis quelques milliers d’années. Ces dernières appartiennent à des genres nombreux en espèces, ce qui rend l’hypothèse moins vraisemblable[1] ; mais, d’un autre côté, elles se montrent rarement loin des cultures, et on ne les voit guère se naturaliser, — j’entends devenir sauvages, — ce qui montre une certaine faiblesse ou trop de facilité à de venir la proie d’animaux et de parasites.

Les 67 espèces mises en culture depuis moins de 2000 ans (C, F) se trouvent toutes à l’état sauvage excepté onze marquées *, qu’on n’a pas rencontrées ou sur lesquelles on a des doutes. C’est une proportion de 83 0/0.

Ce qui est plus singulier, la grande majorité des espèces cultivées depuis plus de 4000 ans (A), ou en Amérique depuis 3 ou 4000 (D), existent encore sauvages, dans un état identique avec l’une des formes cultivées. Leur nombre est de 31, sur 49, c’est-à-dire 63 0/0. Si l’on ajoute celles des catégories II, III, IV et V, la proportion est de 81 à 82 0/0. Dans les catégories IX et X, on ne compte plus que deux de ces espèces très anciennes de culture, soit 4 0/0, et ce sont deux espèces qui n’existent peut-être plus comme plantes spontanées.

Je croyais, à priori, qu’un beaucoup plus grand nombre des espèces cultivées depuis plus de 4000 ans auraient dévié de leur état ancien, à un degré tel qu’on ne pourrait plus les reconnaître parmi les plantes spontanées. Il paraît, au contraire, que les formes antérieures à la culture se sont ordinairement conservées à côté de celles que les cultivateurs obtenaient et propageaient de siècle en siècle. On peut expliquer ceci par deux causes : 1o La période de 4000 ans est courte relativement à la durée de la plupart des formes spécifiques dans les plantes phanérogames. 2o Les espèces cultivées reçoivent, hors des cultures, des renforts incessants par les graines que l’homme, les oiseaux et divers agents naturels dispersent ou transportent de mille manières. Les naturalisations ainsi produites confondent souvent les pieds issus de plantes sauvages, avec ceux issus de plantes cultivées, d’autant mieux qu’ils se fécondent mutuellement, puisqu’ils sont de même espèce. Ce fait est clai-

  1. Par des raisons que je ne puis développer ici, les genres monotypes sont ordinairement en voie d’extinction.