Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
MÉTHODES POUR DÉCOUVRIR L’ORIGINE DES ESPÈCES

ou des indications hypothétiques assez rares. C’est celle des langues dont on ne connaît aucun ouvrage, comme le celte, avec tous ses dialectes, le vieux slave, le pélasge, l’ibère, la langue des Aryas primitifs, des Touraniens, etc. On arrive à présumer certains noms, ou leur forme approximative, dans ces anciennes langues, par deux procédés, tous deux sujets à caution.

Le premier, et le meilleur, est de consulter les langues dérivées ou qu’on croit dérivées directement des anciennes, comme le basque pour l'ibère, l’albanais pour le pélasge, le breton, l’irlandais et le gaëlic pour le celte. Le danger est de se tromper sur la filiation des langues, et surtout de croire à l’ancienneté d’un nom de plante qui peut être venu par un autre peuple. Ainsi le basque a beaucoup de noms qui paraissent tirés du latin à la suite de la domination romaine. Le berbère est rempli de noms arabes, et le persan de noms de toutes sortes, qui n’existaient probablement pas dans le zend.

L’autre procédé consiste à reconstruire une langue ancienne sans littérature, au moyen de ses dérivées, par exemple la langue des Aryas occidentaux au moyen des mots communs à plusieurs langues européennes qui en sont issues. Pour les mots des anciennes langues aryennes, le dictionnaire de Fick ne peut guère être employé, car il donne peu de noms de plantes, et sa disposition ne le met pas du tout à la portée des personnes qui ne connaissent pas le sanscrit. Bien plus important pour les naturalistes est l’ouvrage d’Adolphe Pictet, dont il a paru, après, la mort de l’auteur, une seconde édition, augmentée et perfectionnée[1]. Les noms de plantes et les termes de l’agriculture y sont exposés et discutés d’une manière d’autant plus satisfaisante qu’elle est combinée avec des notions exactes de botanique. Si l’auteur attribue peut-être plus d’importance qu’il ne faudrait à des étymologies douteuses, il le compense par des notions d’une autre nature et par beaucoup de méthode et de clarté.

Les noms de plantes en langue euskarienne, soit basque, ont été commentés, au point de vue des étymologies probables, par M. le comte de Charencey[2]. J’aurai l’occasion de citer ce travail, où les difficultés étaient bien grandes, à cause de l’absence de toute littérature et de langues dérivées.

§ 6. — Nécessité de combiner les différentes méthodes.

Les divers procédés dont je viens de parler n’ont pas une valeur égale. Évidemment lorsqu’on peut avoir sur une espèce

  1. Adolphe Pictet, Les origines des peuples indo-européens, 3 vol. in-8. Paris, 1878.
  2. Charencey, dans Actes de la Société philologique, vol. I, n° 1, 1869.