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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

de suite, des variétés de Maïs, dans des terrains non cultivés, montreraient peut-être un retour à quelque forme commune, qu’on pourrait alors considérer comme la souche. Rien de pareil n’a été fait. On a seulement observé que les variétés sont peu stables, malgré leur grande diversité.

Quant à l’habitation de la forme primitive inconnue, voici les raisonnements qui peuvent la faire entrevoir jusqu’à un certain point.

Les populations agglomérées n’ont pu se former que dans les pays où se trouvaient naturellement des espèces nutritives faciles à cultiver. La pomme de terre, la batate et le maïs ont joué sans doute ce rôle en Amérique, et les grandes populations de cette partie du monde s’étant montrées d’abord dans les régions situées à une certaine élévation, du Chili au Mexique, c’est là probablement que se trouvait le Maïs sauvage. Il ne faut pas chercher dans les régions basses, telles que le Paraguay, les bords du fleuve des Amazones, ou les terres chaudes de la Guyane, de Panama et du Mexique, puisque leurs habitants étaient jadis moins nombreux. D’ailleurs les forêts ne sont nullement favorables aux plantes annuelles, et le Maïs ne prospère que médiocrement dans les contrées chaudes et humides où l’on cultive le Manioc[1].

D’un autre côté, sa transmission, de proche en proche, est plus facile à comprendre si le point de départ est supposé au centre que si on le place l’une des extrémités de l’étendue dans laquelle on cultivait l’espèce du temps des Incas et des Toltecs, ou plutôt des Mayas, Nahuas et Chibchas qui les ont précédés. Les migrations des peuples n’ont pas marché régulièrement du nord au midi ou du midi au nord. On sait qu’il y en a eu dans des sens divers, selon les époques et les pays[2], Les anciens Péruviens avaient à peine connaissance des Mexicains et vice versa, comme le prouvent leurs croyances et des usages extrêmement différents. Pour qu’ils aient cultivé de bonne heure, les uns et les autres, le Maïs, il faut supposer un point de départ intermédiaire ou à peu près. J’imagine que la Nouvelle-Grenade répond assez bien à ces conditions. Le peuple appelé Chibcha, qui occupait le plateau de Bogota lors de la conquête par les Espagnols et se regardait comme autochtone, était cultivateur. Il jouissait d’un certain degré de civilisation, attesté par des monuments que l’on commence à explorer. C’est peut-être lui qui possédait le Maïs et en avait commencé la culture. Il touchait d’un côté aux Péruviens, encore peu civilisés, et de l’autre aux Mayas, qui

  1. Sagot, Culture des céréales de la Guyane française (Journal de la Soc. centr. d’hortic. de France, 1872, p. 94).
  2. M. de Nadaillac, dans son ouvrage intitulé Les premiers hommes et les temps préhistoriques, donne un abrégé du peu que l’on sait aujourd’hui sur ces migrations et en général sur les anciens peuples d’Amérique. Voir en particulier le vol. 2, chap. 9.