Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
LINGUISTIQUE

plus grande qu’il s’agit d’espèces plus faciles à confondre ou moins connues du public, ou de langues de nations peu civilisées. Il y a des degrés, pour ainsi dire, entre les langues, sous ce point de vue, et les noms doivent être acceptés plus ou moins suivant ces degrés.

En tête, pour la certitude, se placent les langues qui possèdent des ouvrages de botanique. On peut en effet reconnaître une espèce au moyen d’une description grecque de Dioscoride ou de Théophraste, et des textes latins moins développés de Caton, Columelle ou Pline. Les livres chinois donnent aussi des descriptions. Leur étude a fait l’objet d’excellents travaux du docteur Bretschneider, médecin de la légation russe à Peking, que je citerai fréquemment[1].

Le second degré est celui des langues qui ont une littérature composée seulement d’ouvrages de théologie, de poésie, ou de chroniques sur les rois et les batailles. Ces sortes d’ouvrages mentionnent çà et là des plantes, avec des épithètes ou des réflexions sur leur floraison, leur maturité, leur emploi, etc., qui permettent de comprendre un nom et de le rapporter à la nomenclature botanique actuelle. En s’aidant d’ailleurs de notions sur la flore du pays et des noms vulgaires dans les langues dérivées de l’ancienne, on arrive, tant bien que mal, à fixer le sens de quelques mots. C’est ce qui a été fait pour le sanscrit[2], l’hébreu[3] et l’araméen[4].

Enfin, une troisième catégorie dans les langues anciennes ne peut donner aucune certitude, mais seulement des présomptions.

  1. Bretschneider, On the study and value of chinese botanical works, with notes on the history of plants and geographical botany from chinese sources. In-8, 51 pages avec figures, Foochoo, sans date, mais la préface datée de décembre 1870. — Notes on some botanical questions, In-8, 14 pages, 1880.
  2. Le dictionnaire de Wilson contient des noms de plantes, mais les botanistes se fient davantage aux noms indiqués par Roxburgh dans son Flora indica (éd. de 1832, 3 vol. in-8) et au dictionnaire spécial de Piddington, English index to the plants of India, Calcutta, 1832. Les érudits prétendent découvrir un plus grand nombre de noms dans les textes, mais ils ne donnent pas assez la preuve du sens de ces noms. Généralement, il manque pour le sanscrit ce que nous avons pour l’hébreu, le grec et le chinois, la citation, traduite en langue moderne, des phrases concernant chaque mot.
  3. Le meilleur ouvrage sur les noms des plantes de l’Ancien Testament est celui de Rosenmüller, Handbuch der biblischen Alterkunde, in-8, vol. 4, Leipzig, 1830. Un bon ouvrage, abrégé, en français, est La botanique de la Bible, par Fred. Hamilton, in-8, Nice, 1871.
  4. Reynier, botaniste suisse, qui avait séjourné en Égypte, a donné avec sagacité le sens de beaucoup de noms de plantes dans le Talmud. Voir ses volumes intitulés : Économie publique et rurale des Arabes et des Juifs, in-8, 1820, et Économie publique et rurale des Égyptiens et des Carthaginois, in-8, Lausanne, 1823. Les ouvrages plus récents de Duschak et de Löw ne reposent pas sur la connaissance des plantes d’Orient et sont illisibles, pour les botanistes, à cause des noms en lettres syriaques, hébraïques, etc.