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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

britannique, elle date au moins de l’invasion des Aryas, puisque le Riz a des noms en sanscrit, Vrihi, Arunya[1] d’où viennent plusieurs noms des langues modernes de l’Inde, et Oruza, ou Oruzon des anciens Grecs, Rouz ou Arous des Arabes. Théophraste[2] a parlé du Riz comme cultivé dans l’Inde. Les Grecs l’avaient connu par l’expédition d’Alexandre. « D’après Aristobule, dit Strabon[3], le Riz croît dans la Bactriane, la Babylonie, la Suside, » et il ajoute : « Nous dirons, nous, dans la basse Syrie aussi. » Plus loin, il note que les Indiens s’en nourrissent et en tirent une sorte de vin. Ces assertions, douteuses peut-être pour la Bactriane, montrent une culture bien établie au moins depuis le temps d’Alexandre (400 ans avant Jésus-Christ) dans la région de l’Euphrate, et depuis le commencement de notre ère dans les endroits chauds et arrosés de la Syrie. L’Ancien Testament n’a pas parlé du Riz ; mais un auteur toujours exact et judicieux, L. Reynier[4], a relevé dans les livres du Talmud plusieurs passages relatifs à sa culture. On est conduit par ces faits à supposer que les Indiens ont employé le Riz après les Chinois, et qu’il s’est répandu vers l’Euphrate encore plus tard, antérieurement cependant à l’invasion des Aryas dans l’Inde. Depuis l’existence de cette culture en Babylonie, il s’est écoulé plus de mille ans jusqu’au transport en Syrie, et l’introduction en Égypte a suivi celle-ci, de deux ou trois siècles probablement. En effets il n’y a aucune indication du Riz dans les graines ou les peintures de l’ancienne Égypte[5]. Strabon, qui avait vu ce pays, comme la Syrie, ne dit pas que le Riz fût cultivé de son temps en Égypte, mais que les Garamantes[6] le cultivaient, et ce peuple est considéré comme ayant habité une oasis au midi de Carthage. L’avaient-ils reçu de Syrie ? C’est possible. En tout cas, l’Égypte ne pouvait pas tarder à posséder une culture si bien appropriée à ses conditions particulières d’arrosement. Les Arabes ont introduit l’espèce en Espagne, comme l’indique le nom espagnol Arroz. Les premières cultures de Riz en Italie datent de 1468, près de Pise[7]. Celles de la Louisiane sont modernes.

Lorsque j’ai présumé la culture moins ancienne dans l’Inde qu’en Chine, je n’ai pas entendu que la plante n’y fût pas spontanée. Elle appartient à une famille où les habitations des

  1. Piddington, Index ; Hehn, Culturpflanzen, éd. 3, p. 437.
  2. Theophrastes, Hist., l. 4, c. 4, 10.
  3. Strabon, Géographie, trad. de Tardieu, l. 15, c. 1, § 18 ; l. 15, c. 1, § 53.
  4. Reynier, Économie des Arabes et des Juifs (1820), p. 450 ; Économie publique et rurale des Égyptiens et des Carthaginois (1823), p. 324.
  5. Unger n’en cite aucune. M. S. Birch, en 1878, a mis une note dans l’ouvrage de Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, 2, p. 402, pour dire : « On n’a aucune preuve de la culture du riz, dont on n’a pas trouvé de graines. »
  6. Reynier, l. c.
  7. Targioni, Cenni, p. 24.