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FROMENT ORDINAIRE

comme natives de leur pays[1], et le Dr Bretschneider ajoute que les communications de la Chine avec l’Asie occidentale datent seulement de l’ambassade de Chang-kien, dans le deuxième siècle avant Jésus-Christ. Il faudrait cependant une assertion plus positive pour croire le blé indigène en Chine, car une plante qui était cultivée dans l’Asie occidentale deux ou trois mille ans avant l’époque de Chin-Nong et dont les graines sont si faciles à transporter a pu s’introduire dans le nord de la Chine, par des voyageurs isolés et inconnus, de la même manière que des noyaux d’abricot et de pèche ont probablement passé de Chine en Perse, dans les temps préhistoriques.

Les botanistes ont constaté que le froment n’existe pas aujourd’hui en Sicile à l’état sauvage[2]. Quelquefois il s’échappe hors des cultures, mais on ne l’a pas vu persister indéfiniment[3]. La plante que les habitants appellent froment sauvage, Frumentu sarvaggiu, qui couvre des districts non cultivés, est l’Ægilops ovata, selon le témoignage de M. Inzenga[4].

Un zélé collecteur, M. Balansa, croyait avoir trouvé le blé, au mont Sipyle, de l’Asie Mineure, « dans des circonstances où il était impossible de ne pas le croire spontané[5], » mais la plante qu’il a rapportée est un Épeautre, le Triticum monococcum, d’après un botaniste très exact qui l’a examinée[6]. Avant lui, Olivier[7], étant sur la rive droite de l’Euphrate, au nord-ouest d’Anah, pays impropre à la culture, « trouva dans une sorte de ravin le froment, l’orge et l’épeautre, » et il ajoute : « que nous avions déjà vus plusieurs fois en Mésopotamie. »

D’après Linné[8], Heintzelmann avait trouvé le blé dans le pays des Baschkirs, mais personne n’a confirmé cette assertion, et aucun botaniste moderne n’a vu l’espèce vraiment spontanée autour du Caucase ou dans le nord de la Perse. M. de Bunge[9], dont l’attention avait été provoquée sur ce point, déclare qu’il n’a vu aucun indice faisant croire que les céréales soient originaires de ces pays. Il ne paraît même pas que le blé ait une tendance, dans ces régions, à lever accidentellement hors des cultures. Je n’ai découvert aucune mention de spontanéité dans l’Inde septentrionale, la Chine ou la Mongolie.

En résumé, il est remarquable que deux assertions aient été données de l’indigénat en Mésopotamie, à un intervalle de vingt-trois siècles, l’une jadis par Bérose et l’autre de nos jours par

  1. Bretschneider, l. c., p. 15.
  2. Parlatore, Fl. ital., 1, p. 46 et 508. Son assertion est d’autant plus digne d’attention qu’il était Sicilien.
  3. Strobl, dans Flora, 1880, p. 348.
  4. Inzenga, Annal. agricult. sicil.
  5. Bull, de la Soc. bot. de France, 1854, p. 108.
  6. J. Gay, Bull. Soc. bot. de France, 1860, p. 30.
  7. Olivier, Voy. dans l’Empire ottoman (1807), vol, 3, p. 460.
  8. Linné, Sp, plant, , éd. 2, vol. 1, p. 127.
  9. Bunge, Bull. Soc. bot. France, 1860, p. 29.