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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

mentionné la culture de la Fève en Égypte, mais ils écrivaient 500 ans après Hérodote.

On trouve deux fois dans l’Ancien Testament[1] le mot Pol, qui a été traduit par fève, à cause des traditions conservées par le Talmud et du nom arabe foul, fol ou ful, qui est celui de la fève. Le premier des deux versets fait remonter la connaissance de l’espèce par les Hébreux à l’an mille avant Jésus-Christ.

Je signalerai enfin un indice d’ancienne existence de la Fève dans le nord de l’Afrique. C’est le nom berbère Ibiou, au pluriel Inbouen, usité chez les Kabyles de la province d’Alger[2]. Il ne ressemble nullement au nom sémitique et remonte peut-être à une grande antiquité. Les Berbères habitaient jadis la Mauritanie, où Pline prétend que l’espèce était sauvage. On ignore si les Guanches, peuple berbère des Îles Canaries, connaissaient la fève. Je doute que les Ibères l’aient eue, car leurs descendants supposés, les Basques, se servent du nom Baba[3], répondant au Faba des Romains.

D’après ces documents, la culture de la fève est préhistorique en Europe, en Égypte et en Arabie. Elle a été introduite en Europe, probablement par les Aryens occidentaux, lors de leurs premières migrations (Pélasges, Celtes, Slaves). C’est plus tard qu’elle a été portée en Chine, un siècle avant l’ère chrétienne, plus tard encore au Japon ; et tout récemment dans l’Inde.

Quant à l’habitation spontanée, il est possible qu’elle ait été double il y a quelques milliers d’années, l’un des centres étant au midi de la mer Caspienne, l’autre dans l’Afrique septentrionale. Ces sortes d’habitations, que j’ai appelées disjointes et dont je me suis beaucoup occupé naguère[4], sont rares dans les plantes Dicotylédones ; mais il en existe des exemples précisément dans les contrées dont je viens de parler[5]. Il est probable que l’habitation de la Fève est depuis longtemps en voie de diminution et d’extinction. La nature de la plante appuie cette hypothèse, car ses graines n’ont aucun moyen de dispersion, et les rongeurs ou autres animaux peuvent s’en emparer avec facilité. L’habitation dans l’Asie occidentale était peut-être moins limitée jadis que maintenant, et celle en Afrique, à l’époque de Pline, s’étendait peut-être plus ou moins. La lutte pour l’existence, défavorable à cette plante, comme au Maïs, l’aurait cantonnée peu à peu et l’aurait fait disparaître, si l’homme ne l’avait sauvée en la cultivant.

La plante qui ressemble le plus à la Fève est le Vicia narbonensis. Les auteurs qui n’admettent pas le genre Faba, dont les

  1. Samuel, II, c. 17, v. 28 ; Ezechiel, c. 4, v. 8.
  2. Dict. français-berbère, publié par le gouvernement français.
  3. Note communiquée à M. Clos par M. d’Abadie.
  4. A. de Candolle, Géographie botanique raisonnée, chap. x.
  5. Le Rhododendron ponticum ne se trouve plus que dans l’Asie Mineure et au midi de la péninsule espagnole.