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GROSEILLIER À MAQUEREAUX

L’espèce existait, à l’état spontané et cultivé, au Mexique, avant l’arrivée des Espagnols. Hernandez[1] en décrit neuf variétés, ce qui montre l’ancienneté de la culture. L’une d’elles, à peu près sans épines, paraît avoir nourri plus spécialement que les autres l’insecte appelé cochenille, qu’on a transporté avec la plante aux îles Canaries et ailleurs. On ne peut pas savoir jusqu’où s’étendait l’habitation en Amérique avant que l’homme eût transporté les fragments de la plante, en forme de raquette, et les fruits, qui sont deux moyens faciles de propagation. Peut-être les individus sauvages dans la Jamaïque et autres îles Antilles dont parlait Sloane[2], en 1725, étaient-ils le résultat d’une introduction par les Espagnols. Assurément l’espèce s’est naturalisée dans cette direction aussi loin que le climat le lui permet, par exemple jusqu’à la Floride méridionale[3].

C’est une des premières plantes que les Espagnols aient transportées dans le vieux monde, soit en Europe, soit en Asie. Son apparence singulière frappait d’autant plus l’attention qu’aucune espèce de la famille n’avait encore été vue[4]. Tous les botanistes du XVIe siècle en ont parlé, et en même temps la plante s’est naturalisée dans le midi de l’Europe et en Afrique à mesure qu’on se mettait à la cultiver. C’est en Espagne que l’Opuntia a d’abord été connu sous le nom américain de Tuna, et probablement se sont les Maures qui l’ont porté en Barbarie, quand on les a chassés de la Péninsule. Ils le nommaient Figue de chrétien[5]. L’usage d’entourer les propriétés de Figuiers d’Inde, comme clôture, et la valeur nutritive des fruits, assez fortement sucrés, ont déterminé l’extension autour de la mer Méditerranée et en général dans les pays voisins des tropiques.

L’élève de la cochenille, qui nuisait à la production des fruits[6], est en pleine décadence depuis la fabrication des matières colorantes par des procédés chimiques.

Groseillier à maquereaux. — Ribes Grossularia et R. Uva-crispa, Linné.

Les formes cultivées présentent ordinairement un fruit lisse ou qui porte quelques gros poils raides, tandis que le fruit de la forme sauvage (R. Uva-crispa) a des poils mous et moins longs ; mais on a constaté souvent des intermédiaires, et il a été prouvé, par expérience, qu’en semant des graines du fruit cultivé on obtient des pieds ayant des poils ou sans poils[7]. Il n’y a, par conséquent, qu’une seule espèce, qui a donné par la culture une

  1. Hernandez, Thesaurus Novæ Hispaniæ, p.78.
  2. Sloane, Jamaica, 2, p. 150.
  3. Chapman, Flora of south. United states, p. 144.
  4. Le Cactos des Grecs était tout autre chose.
  5. Steinheil, dans Boissier, Voyage bot. en Espagne, 1, p. 25.
  6. Webb et Berthelot, Phyt. canar.
  7. Robson, cité dans English botany, planche 2057.