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PASTÈQUE

Pastèque. — Citrullus vulgaris, Schrader — Cucurbita Citrullus, Linné.

L’origine de la Pastèque, appelée aussi Melon d’eau, a été longtemps méconnue ou inconnue. D’après Linné, c’était une plante du midi de l’Italie[1]. L’assertion était tirée de Matthiole, sans faire attention que cet auteur disait l’espèce cultivée. Seringe[2], en 1828, la supposait d’Afrique et de l’Inde, mais il n’en donnait aucune preuve. Je l’ai crue de l’Asie méridionale, à cause de sa culture très commune dans cette région. On ne la connaissait pas à l’état spontané. Enfin on l’a trouvée indigène dans l’Afrique intertropicale, en deçà et au delà de l’éguateur[3], ce qui tranche la question. Livingstone[4] a vu des terrains qui en étaient littéralement couverts. L’homme et plusieurs espèces d’animaux recherchaient ces fruits sauvages avec avidité. Ils sont ou ne sont pas amers, sans que rien le montre à l’extérieur. Les nègres frappent le fruit avec une hache et goûtent le suc pour savoir s’il est bon ou mauvais. Cette diversité dans des plantes sauvages, végétant sous le même climat et dans le même sol, est propre à faire réfléchir sur le peu de valeur du caractère dans les Cucurbitacées cultivées. Du reste, l’amertume fréquente de la Pastèque n’a rien d’extraordinaire, puisque l’espèce la plus voisine est la Coloquinte (Citrullus Colocynthis), M. Naudin a obtenu des métis féconds d’un croisement entre une Pastèque amère, spontanée au Cap, et une Pastèque cultivée, ce qui confirme l’unité spécifique accusée par les formes extérieures.

On n’a pas trouvé l’espèce sauvage en Asie. Les anciens Égyptiens cultivaient la Pastèque. Elle est figurée dans leurs dessins[5]. C’est déjà un motif pour croire que les Israélites connaissaient l’espèce et l’appelaient Abbatitchim, comme on le dit ; mais en outre le mot arabe Battich, Batteca, qui dérive évidemment du nom hébreu, est le nom actuel de la Pastèque. Le nom français vient de l’hébreu, par l’arabe. Une preuve de l’ancienneté de la plante dans la culture du nord de l’Afrique est le nom berbère, Tadellaât[6], trop différent du nom arabe pour n’être pas antérieur à la conquête. Les noms espagnols Zandria, Cindria et de l’île de Sardaigne Sindria[7], que je ne puis rapprocher d’aucun autre, font présumer aussi une ancienne culture dans la région méditerranéenne occidentale. En Asie, la culture s’est répandue de bonne heure, car on connaît un

  1. Habitat in Apulia, Calabria, Sicilia. (Linné, Species, ed. 1763, p. 1435.)
  2. Seringe, dans Prodromus, 3, p. 301.
  3. Naudin, Ann. sc. nat., série 4, vol. 12, p. 101 ; sir J. Hooker, dans Oliver, Flora of tropical Africa. 2, p. 549.
  4. Traduction française, p. 56.
  5. Unger a copié les figures de l’ouvrage de Lepsius, dans son mémoire Die Pflanzen des alten Ægyptens, fig. 30, 31, 32.
  6. Dictionnaire français-berbère, au mot Pastèque.
  7. Moris, Flora sardoa.