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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

lement, au lieu de dire qu’on ferait, peut-être bien de réunir les deux espèces, je les vois actuellement distinctes et me contente de présumer une descendance, que du reste on ne pourra pas facilement démontrer.

Pruniers cultivés.

Pline parle de l’immense quantité de prunes qu’on connaissait à son époque. « Ingens turba prunorum[1]. » Aujourd’hui, les horticulteurs en comptent plus de trois cents. Quelques botanistes ont essayé de les rapporter à des espèces sauvages distinctes, mais ils ne sont pas toujours d’accord, et surtout, d’après les noms spécifiques, ils semblent avoir des idées très différentes. La diversité roule sur deux points : tantôt sur la descendance probable de telle ou telle forme cultivée, et tantôt sur la distinction des formes spontanées en espèces ou variétés.

Je n’ai pas la prétention de classer les innombrables formes cultivées, et je crois ce travail assez inutile au point de vue des questions d’origine géographique, car les différences existent surtout dans la forme, la grosseur, la couleur et le goût du fruit, c’est-à-dire dans des caractères que les horticulteurs ont eu intérêt à propager quand ils se sont présentés et même à créer autant qu’ils ont pu le faire. Mieux vaut s’attacher aux distinctions des formes observées dans l’état spontané, surtout à celles dont les hommes ne tirent aucun avantage et qui sont restées probablement ce qu’elles étaient avant qu’il y eût des jardins.

C’est depuis une trentaine d’années seulement que les botanistes ont donné des caractères vraiment comparatifs pour les trois espèces ou races qui existent dans la nature[2]. On peut les résumer de la manière suivante :

Prunus domestica, Linné ; arbre ou arbuste élevé, non épineux ; jeunes rameaux glabres ; fleurs naissant en même temps que les feuilles, à pédicelles ordinairement pubescents ; fruit penché, oblong, d’une saveur douce.

Prunus insititia, Linné ; arbre ou arbuste élevé, non épineux ; jeunes rameaux pubescents veloutés ; fleurs naissant en même temps que les feuilles, à pédicelles finement pubescents ou glabres ; fruit penché, globuleux ou légèrement ellipsoïde, d’une saveur douce.

Prunus spinosa, Linné ; arbuste très épineux, à rameaux étalés à angle droit ; jeunes rameaux pubescents ; fleurs épanouies avant la naissance des feuilles ; pédicelles glabres ; fruit dressé, globuleux, de saveur acerbe.

Évidemment, cette troisième forme, si commune dans nos haies, s’éloigne des deux autres. Aussi, à moins de vouloir interpréter, par hypothèse, ce qui a pu arriver avant toute ob-

  1. Pline, Hist., l. 15, c. 13.
  2. Koch, Synopsis fl. germ., éd. 2, p. 228 ; Cosson et Germain, Flore des environs de Paris, 1, p. 165.