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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

élevées et sauvages d’Arménie. Il est bien probable que, dans la région au midi du Caucase et de la mer Caspienne, le Morus nigra est spontané, originaire, plutôt que naturalisé. Ce qui me le fait croire, c’est : 1o qu’il n’est pas connu, même à l’état cultivé, dans l’Inde, en Chine ou au Japon ; 2o qu’il n’a aucun nom sanscrit ; 3o qu’il s’est répandu de bonne heure en Grèce, pays dont les communications avec l’Arménie ont été anciennes.

Le Morus nigra s’était si peu propagé au midi de la Perse qu’on ne lui connaît pas, d’une manière certaine, un nom hébreu ni même un nom persan distinct de celui du Morus alba. On le cultivait beaucoup en Italie, jusqu’à ce qu’on eût reconnu la supériorité du Mûrier blanc pour la nourriture des vers à soie. En Grèce, le Mûrier noir est encore le plus cultivé[1]. Il s’est naturalisé çà et là dans ces pays et en Espagne[2].

Maguey. — Agave americana, Linné.

Cette plante ligneuse, de la famille des Amaryllidées, est cultivée, depuis un temps immémorial, au Mexique, sous les noms de Maguey ou Metl, pour en extraire, au moment où se développe la tige florale, le vin dit pulque, Humboldt a décrit clairement cette culture[3] et il nous dit ailleurs[4] que l’espèce croit dans toute l’Amérique méridionale, jusqu’à 1600 toises d’élévation. On la cite[5] dans la Jamaïque, à Antigua, à la Dominique, à Cuba ; mais il faut remarquer qu’elle se multiplie facilement de drageons et qu’on la plante volontiers loin des habitations, pour en former des haies ou en tirer le fil appelé pite, ce qui empêche de savoir dans quel pays elle existait primitivement. Transportée depuis longtemps dans la région de la mer Méditerranée, on la rencontre avec toutes les apparences d’une espèce indigène, quoique son origine ne soit pas douteuse[6]. Probablement, d’après les emplois variés qu’on en faisait au Mexique avant l’arrivée des Européens, c’est de là qu’elle est sortie.

Canne à sucre. — Saccharum officinarum, Linné.

Les origines de la Canne à sucre, de sa culture et de la fabrication du sucre ont été l’objet d’un travail très remarquable du géographe Karl Ritter[7] Je n’ai pas à le suivre dans les détails

  1. Heldreich. Nutzpflanzen Griechenlands, p. 19.
  2. Bertoloni, Flora ital., 10, p. 179 ; Visiani, Fl. dalmat., 1, p. 220 ; Willkomm et Lange, Prodr. fl. hisp., 1, p. 250.
  3. De Humboldt, Nouvelle-Espagne, éd. 2, p. 487.
  4. De Humboldt, dans Kuntn, Nova Genera, 1, p. 297.
  5. Grisebach, Flora of brit. W. India, p. 582.
  6. Alph. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, p. 739 ; H. Hoffmann, dans Regel, Gartenflora, 1875, p. 70.
  7. K. Ritter, Ueber die geographische Verbreitung des Zuckerrohrs, 1840, in-4, 108 pag. (d’après Pritzel, Thes. lit. bot.) ; Die cultur des Zuckerrohrs, Saccharum, in Asien, Geogr. Verbreitung, etc., etc., in-8o, 64 pages, sans date. C’est une monographie pleine d’érudition et de jugement, digne de