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MÛRIER NOIR

précises que celles de Ritter sur l’origine, et, s’il y a quelques contradictions apparentes entre nos opinions sur d’autres points, cela vient surtout de ce que l’illustre géographe a considéré une foule de variétés comme des espèces, tandis que les botanistes les ont réunies après un examen attentif.

Mûrier noir. — Morus nigra, Linné.

Il est plus recherché pour ses fruits que pour ses feuilles, et, d’après cela, je devrais l’énumérer dans la catégorie des arbres fruitiers. Cependant on ne peut guère séparer son histoire de celle du Mûrier blanc. D’ailleurs on emploie sa feuille dans beaucoup de pays pour l’élève des vers à soie, sans se laisser arrêter par la qualité inférieure du produit.

Le Mûrier noir se distingue du blanc par plusieurs caractères, indépendamment de la couleur noire du fruit, qui se trouve également chez certaines variétés du M. alba[1]. Il n’a pas une infinité de formes comme celui-ci, ce qui peut faire présumer une culture moins ancienne, moins active, et une patrie primitive moins étendue.

Les auteurs grecs et latins, même les poètes, ont souvent mentionné le Morus nigra, qu’ils comparaient au Ficus Sycomorus, et qu’ils confondaient même dans l’origine avec cet arbre égyptien. Les commentateurs répètent depuis deux siècles une foule de passages qui ne laissent aucun doute à cet égard, mais ne présentent guère d’intérêt en eux-mêmes[2]. Ils ne fournissent aucune preuve sur l’origine de l’espèce, qu’on présume de Perse, à moins de prendre au sérieux la fable de Pyrame et Thisbé, dont la scène était en Babylonie, d’après Ovide.

Les botanistes n’ont pas constaté d’une manière bien certaine l’indigénat en Perse. M. Boissier, qui possède plus de matériaux que personne sur l’Orient, se contente de citer Hohenacker comme ayant trouvé le M. nigra dans les forêts de Lenkoran, sur la côte méridionale de la mer Caspienne, et il ajoute : « probablement spontané dans la Perse septentrionale vers la mer Caspienne[3] ». Avant lui, Ledebour, dans sa flore de Russie, indiquait, d’après divers voyageurs, la Crimée et les provinces au midi du Caucase[4] ; mais Steven nie que l’espèce existe en Crimée autrement qu’à l’état de culture[5]. M. de Tchihatcheff et C Koch[6] ont trouvé des pieds de Mûrier noir dans des localités

  1. Reichenbach a publié de bonnes figures des deux espèces dans ses Icones floræ germ., t. 657 et 658.
  2. Fraas, Synopsis fl. class., p. 236 ; Lenz, Botanik d. alten Griechen und Rœmer, p. 419 ; Kitter, Erdkunde, 17, p. 482 ; Hehn, Culturpflanzen, éd. 3, p. 336, sans parler d’auteurs plus anciens.
  3. Boissier, Flora orient., 4, p. 1153 (publiée en 1879).
  4. Ledebour, Fl. ross., 3, p. 641.
  5. Steven, Verzeichniss d. taurischen Halbins. Fflanzen, p. 313.
  6. Tchihatcheff, traduction de Grisebach, Végétation du globe, 1, p. 424.