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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

je n’avais pu connaître d’autres échantillons de N. Tabacum paraissant spontanés que ceux envoyés par Blanchet, de la province de Bahia, sous le no 3223, a. Aucun auteur, avant ou après cette époque, n’a été plus heureux, et je vois que MM. Flückiger et Hanbury, dans leur excellent ouvrage sur les drogues d’origine végétale[1], disent positivement : « Le tabac commun est originaire du nouveau monde, et cependant on ne l’y trouve pas aujourd’hui à l’état sauvage. » J’oserai contredire cette assertion, quoique la qualité de plante spontanée soit toujours contestable quand il s’agit d’une espèce aussi facile à répandre hors des plantations.

Je dirai d’abord qu’on rencontre dans les herbiers beaucoup d’échantillons récoltés au Pérou, sans indication qu’ils fussent cultivés ou voisins des cultures. L’herbier de M. Boissier en contient deux, de Pavon, venant de localités différentes[2]. Pavon dit dans sa flore (vol. 2, p. 16) que l’espèce croît dans les forêts humides et chaudes des Andes péruviennes, et qu’on la cultive. Mais, ce qui est plus significatif, M. Édouard André a recueilli dans la république de l’Équateur, à Saint-Nicolas, sur la pente occidentale du volcan Corazon, dans une forêt vierge, loin de toute habitation, des échantillons, qu’il a bien voulu me communiquer et qui sont évidemment le N. Tabacum à taille élevée (2 à 3 mètres) et à feuilles supérieures étroites, longuement acuminées, comme on les voit dans les planches de Hayne et de Miller[3]. Les feuilles inférieures manquent. La fleur, qui donne les vrais caractères de l’espèce, est certainement du N. Tabacum, et il est bien connu que cette plante varie dans les cultures sous le rapport de la taille et de la largeur des feuilles[4].

La patrie primitive s’étendait-elle au nord jusqu’au Mexique, au midi vers la Bolivie, à l’est dans le Venezuela ? C’est très possible.

Le Nicotiania rustica, Linné, espèce à fleurs jaunâtres, très différente du Tabacum[5], et qui donne un tabac grossier, était plus souvent cultivé chez les anciens Mexicains et les indigènes au nord du Mexique. Je possède un échantillon rapporté de Californie par Douglas, en 1839, époque à laquelle les colons étaient encore rares, mais les auteurs américains n’admettent

  1. Flückiger et Hanbury, Histoire des drogues d’origine végétale, traduction en français, 1878, yol. 2, p. 150.
  2. L’un d’eux est classé sous le nom de Nicot. fruticosa, qui, selon moi, est la même espèce, à taille élevée, mais non ligneuse, comme le nom le ferait croire. Le N. auriculata Bertero est aussi le Tabacum, d’après mes échantillons authentiques.
  3. Hayne, Arzneikunde Gewachse, vol. 12, t. 41 ; Miller, Gardener’s dict., figures, t. 186, f. 1.
  4. La capsule est tantôt plus courte que le calice et tantôt plus longue, sur le même individu, dans les échantillons de M. André.
  5. Voir les figures de N. rustica dans Plée, Types de familles naturelles de France, Solanées ; Bulliard, Herbier de France, t. 289.