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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

plus on avance vers l’ouest, plus les stations mentionnées sont les champs, les terrains cultivés, etc. ; aussi les auteurs attentifs ont-ils soin de noter que l’espèce est probablement sortie des cultures[1]. Je ne crains pas de dire qu’une plante de cette sorte si elle était originaire de l’Europe méridionale, y serait beaucoup plus commune et ne manquerait pas, par exemple, aux flores insulaires, comme celles de Sicile, d’Ischia et des Baléares[2].

L’ancienneté de l’espèce et de son emploi dans l’Inde est appuyée par l’existence de plusieurs noms différents, selon les peuples, et surtout d’un nom sanscrit et hindou moderne, Methi[3]. Il existe un nom persan, Schemlit, et un nom arabe, Helbeh[4], très connu en Égypte ; mais on ne cite aucun nom hébreu[5]. L’un des noms de la plante en grec ancien, Tailis (Τηλις), sera peut-être pour les philologues un dérivé du nom sanscrit[6], ce dont je ne suis pas juge. L’espèce pourrait avoir été introduite par les Aryens et le nom primitif n’avoir laissé aucune trace dans les langues du nord, parce qu’elle ne peut vivre que dans le midi de l’Europe.

Serradelle. — Ornithopus sativus, — Brotero. — 0. isthmocarpus, Gosson.

La véritable Serradelle, spontanée et cultivée en Portugal, a été décrite pour la première fois, en 1804, par Brotero[7], et M. Cosson l’a distinguée plus clairement des espèces voisines[8]. Quelques auteurs l’avaient confondue avec l’Ornithopus roseus de Dufour, et les agriculteurs lui ont attribué quelquefois le nom d’une espèce bien différente, l’O. perpusillus, qui serait par son extrême petitesse impropre à la culture. Il suffit de voir le fruit ou légume de l’O. sativus pour être certain de l’espèce, car il est, à maturité, étranglé de place en place et arqué fortement. S’il y a dans les champs des individus de même apparence, mais à légumes droits et non étranglés, ils doivent provenir de quelque mélange de graines avec l’O. roseus, et, si le légume est courbé, mais non étranglé, ce serait l’O. compressus. D’après l’aspect de ces plantes, elles paraissent pouvoir être cultivées semblablement et auraient, je le suppose, es mêmes avantages.

  1. Caruel, Fl. tosc., p. 256 ; Willkomm et Lange, l. c.
  2. Les plantes qui se répandent d’un pays à l’autre arrivent plus difficilement dans les îles, selon les observations que j’ai publiées autrefois (Géogr. bot. raisonnée, p. 706).
  3. Piddington, Index.
  4. Ainslie, Mat. med. ind., I, p. 130.
  5. Rosenmüller, Bibl. Alterkunde.
  6. Comme d’ordinaire le dictionnaire classique de Fick, des langues indo-européennes, ne mentionne pas le nom de cette plante, que les Anglais disent être sanscrit.
  7. Brotero, Flora lusitanica, II, p. 160.
  8. Cosson, Notes sur quelques plantes nouvelles ou critiques du midi de l’Espagne, p. 36.