Page:Almanach de la jeune chanson française, 4e année, 1867.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans ton logis, le pain était bien noir, ma mère ;
Mais ta main le donnait avec des mots si doux,
Que, pour moi, la saveur en était moins amère,
Et puis, je le mangeais assis sur tes genoux !
Ici, point de pitié ! personne, hélas ! qui m’aime,
Et lorsque le repas des autres se finit,
On me jette ma part, en lançant un blasphème.
Ma mère, qu’as-tu fait de ton pauvre petit ? (bis).
 
Mais qui vient donc encor troubler ma rêverie ?
Un bruit qui m’épouvante a retenti partout…
Voici l’aigre sifflet du maître qui nous crie :
Quittez votre hamac ! allons, debout, debout !
On se parle tout bas, et chacun s’inquiète ;
J’entends les mâts craquer et la mer qui mugit !…
Tout le ciel est en feu ; grand Dieu ! c’est la tempête !
Ma mère, qu’as-tu fait de ton pauvre petit ? (bis.)


ON EST BIEN FORCÉ D’ÊTRE HONNÊTE

Paroles de Mme Élisa Fleury. — Musique de A. Boulanger.
La musique, chez M. A. HURÉ, éditeur, à Paris, 4. rue Salomon de Caus.




Quand j’suis tout seul dans ma cellule,
J’fais plus d’un’ drôl’ de réflexion,
Sur la contrainte et l’ ridicule
Qu’impos’ la civilisation.
D’un’ grand’ phras’ qu’exig’ l’étiquette,
Selon moi, v’ là l’équivalent :

On est bien forcé d’être honnête,

Quand on n’ peut pas faire autrement.

bis.


J’ai pour voisin’s Flore et Julie ;
L’un’ qu’est laid’ comme un créancier,
R’proch’ toujours à cell’ qu’est jolie,
D’ faire jaser d’ell’ dans not’ quartier :
Voyez sur moi si l’on caquette ?
— Tiens, dit l’autr’, c’est pas étonnant ;
On est bien forcé d’être honnête,
Quand on n’ peut pas faire autrement.

Lundi dernier, j’ dînais en ville ;
V’là qu’au dessert l’Amphitrion
M’annonc’ qu’il a fait un vaud’ville,
Et m’ forc’ d’entendr’ sa production.
À la fin, pourtant, il s’arrête.
Que faire ? Il quête un compliment.
On est bien forcé d’être honnête,
Quand on n’ peut pas faire autrement.

L’autr’jour, j’m’en allais faire un’course,
Et comm’ j’ai l’esprit fort distrait,
En courant j’ l’aiss’ tomber ma bourse,
Qu’un passant fourr’ dans son gousset.
Mais comme j’avais tourné la tête,
Il m’ la rendit généreus’ment.
On est bien forcé d’être honnête,
Quand on n’ peut pas faire autrement.

Quand j’ rencontr’ mon propriétaire.
J’ cherche à l’éviter simplement,
Parc’que c’est un vieux doctrinaire,
Et que j’ lui dois pas mal d’argent.
Mais d’vant moi c’ matin il s’arrête,
Alors je l’ salu’ gracieus’ment,
On est bien forcé d’être honnête,
Quand on n’ peut pas faire autrement.

N’ croyez pas, messieurs, que j’ réclame
Des bravos qui n’ me sont pas dûs.
Vous êt’s polis, mais, sur mon âme,
Moi, j’ craindrais d’en faire un abus ;
Si j’en r’cevais pour c’te bluette,
C’est qu’ vous diriez probablement :

On est bien forcé d’être honnête,

Quand on n’ peut pas faire autrement.

bis.