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pape, les Suisses et le roi d’Aragon contre les Français qui perdirent presque toute l’Italie.

À dater de cette époque, Venise ne fera plus que décliner.

Déjà des événements plus forts que la prudence de la république avaient changé les routes du commerce général ; sa politique va juger les affaires d’un œil moins assuré ; une corruption intérieure minera les ressorts de son gouvernement ; le sceptre des mers échappera de ses mains : mais cet illustre empire ne descend pas sans majesté ; il médite sur sa propre ruine, et emploie deux siècles à exhaler les restes de son génie.

L’établissement des Turcs à Constantinople fit perdre à la république tous les avantages dont elle jouissait sur les marchés du Levant. La découverte de l’Amérique, en versant sur l’Europe les productions du Nouveau-Monde, enleva aux Vénitiens le monopole du commerce des riches métaux, des bois de teinture et des substances médicinales. La découverte d’un passage aux Indes par le cap de Bonne-Espérance, transporta aux mains des Portugais le privilège d’approvisionner l’Europe de toutes les denrées de l’Asie. Les Vénitiens crurent protéger leur commerce par des lois sévères. Il fut défendu aux étrangers d’acheter des vaisseaux ou d’en faire construire dans les ports de la république, de faire société avec les nationaux, de fournir directement aucune marchandise aux possessions vénitiennes en terre ferme, et de traiter avec les sujets de la république, ailleurs que dans Venise même. Ce fut surtout contre toutes marchandises qui pouvaient concourir avec l’industrie nationale que la dureté de leurs douanes devint excessive : aussi leurs manufactures furent-elles peu à peu réduites à la consommation intérieure ; l’émulation s’éteignit dans leurs fabri-