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L’ÂME DES MAINS

chez le rêveur, elle plane dans les nues, et chez le rentier, elle mijote dans son gousset. Et chez l’artiste ?… Voyons, c’est bizarre ? Oui, chez l’artiste par exemple ? Chez le peintre, le sculpteur ou le virtuose ?… Eh bien ! elle fleurit dans les mains… Dans les mains… Et pourquoi ? Comme c’est bizarre ! On ne sait pas… Et lorsque l’âme s’envole ou meurt… »

Ceretti étouffe, suffoque. Est-ce la chaleur ? le bâillon ? le refrain des moucherons ? Ou des pensées stupides dépourvues de sens commun ?

Ceretti est un peu poltron… Il a peur, si peur qu’il s’évanouit.

Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était sur un point si élevé de l’Univers qu’il ne put voir davantage le paysage environnant de la nature.

Il se trouva assis sur un rocher, délivré du bandeau, du bâillon et des cordes. Le Chevalier van Bau se tenait en face de lui et serrait ses mains dans les siennes. Par exemple, il avait un regard qui transperçait comme un dard ses grands yeux étonnés. Près de lui, debout, un personnage inconnu semblait attendre. Qu’il était long et sec ! Un loup noir cachait son visage et son corps disparaissait sous les larges plis d’une robe d’apothicaire. Il portait un grand chapeau pointu d’où s’échappaient, en cascades, des boucles grosses, grasses et grises.

Il faisait grand jour. La lumière était éblouissante. Et cependant la lumière éclairait particulièrement ses mains, que tenait le Chevalier van Bau. Pourquoi le