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L’ÂME DES MAINS

Frieda compta ses dix doigts, les yeux baissés. Benedetto est bien beau, mais sa musique est plus indigeste qu’un gulasch hongrois.

— Écoute-moi sagement. À présent, je te jouerai les Lamentations et les Impropères d’Allegri, car ton éducation musicale n’est pas parfaite et tu me parais trop mignonne pour être si ignorante.

Mais les Lamentations sont trop tristes et les Impropères trop sévères, et puis c’est long, long, à n’en plus finir.

— Monsieur Benedetto, avance-t-elle timidement, un peu honteuse, je vous en conjure… Jouez-moi le petit rigaudon de Lulli ou je vide d’un trait votre bock de bière.

— Sacrée Allemande, je te céderais bien toute la bière de ton pays pour un verre de Vino Santo di Castelli Romani !

Puis, se ravisant :

— Soit, va pour le Rigaudon.

Frieda retrousse gracieusement ses jupes, avance la pointe du pied droit, et attend le premier accord, prête à s’élancer au rythme du ballet.

Mais on frappe à la porte.

— Entrez.

Le Chevalier Walther van Bau est sur le seuil.

Ceretti roule en révérences.

— Entrez donc, mon Seigneur ! Prenez donc la peine de vous asseoir.

Et tout en fondant avec obséquiosité, il attire l’atten-