Page:Allatini - Sur talons rouges, contes, 1929.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
SUR TALONS ROUGES

— Frieda, ne sois donc pas si matérielle, et pose une bonne fois mon bock de bière ! Tu t’imagines que je ne vois pas ? Tu es assez niaise pour croire que la musique m’absorbe au point de ne pas voir ce que tu fais ? Écoute plutôt ces œuvres immortelles.

Frieda, prise en flagrant délit, dodeline chastement de la tête. Les deux lourdes nattes blondes, ramenées sur sa poitrine, montent et descendent comme les grosses cordes d’un carillon muet. Elle rougit parce qu’elle est prise en faute, et sa figure ronde, un peu couperosée, décèle la faiblesse de la chair et la conscience de son péché. Elle a des remords et cela la fait se tenir sur une jambe comme une cigogne.

Frieda est plaisante. Elle aime la vie avec ses petits pains aux saucisses et ses fûts de bière. Avec ça elle est brave fille. Mais elle a bien d’autres faiblesses. Parce qu’elle est sentimentale, elle aime qu’on lui fasse la cour, surtout lorsque le courtisan est un grand artiste. Et lorsqu’elle dit adorer la musique, il ne faut pas la croire. Ce sont les airs à danser qui lui plaisent car elle est folle de la danse.

Benedetto Ceretti faisait souvent venir dans sa chambre cette soubrette munichoise, car en bon italien il lui fallait s’entourer d’une femme pour le mauvais motif. C’était là un besoin italique. Frieda admirait son teint mat et hâlé qui la reposait des Hans fadasses et joufflus.