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SUR TALONS ROUGES

l’instar des saisons. Et pendant ce temps-là les mortels sommeillent.

Mais Walther ne dort pas.

Il a froid. Est-ce l’hiver ou l’heure angoissante de la nuit qui secoue ses membres et fait claquer ses dents ? Un grand cafetan marron doublé d’astrakan l’engloutit presque complètement. On ne voit que ses yeux qu’encadre jalousement une toque de fourrure. C’est pour lui l’heure du travail. Il est perdu dans un grand fauteuil gothique en bois sombre, de forme haute, étroite et anguleuse. Son front est penché sur de vieux grimoires qui encombrent une grande table, ainsi que de vieilles paperasses déchiquetées par les rats, des parchemins jaunis par la cruauté des temps, des compas, des équerres et quelques têtes de morts. Seule une petite lampe à huile, qu’étouffe un grand abat-jour noir, éclaire la grande pièce basse, sans portes, sans fenêtres. Est-ce un souterrain ? Où se trouve l’entrée ? Derrière, dans l’âtre, grimacent quelques braises d’un feu qui s’éteint. Sur une longue étagère, traînent des bocaux renfermant des objets obscurs ou des liquides brillants, des liquides terribles. Et puis, il y a des éprouvettes, des cornues, des alambics qui grouillent comme une magie de cristal irradiant des reflets diaboliques au gré de la lumière vacillante.

À gauche, près de la table se dresse un lutrin délabré qui semble ployer sous le faix d’une grosse bible alourdie par les vieux secrets qu’elle renferme et qu’elle supporte avec peine, car les hommes s’obstinent dans