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SUR TALONS ROUGES

Puis un nuage de doute passa sur son front.

— Mattacchione, donnez-moi une preuve !

Mattacchione tira de son sein le chapelet de la Comtesse.

— Des perles et des rubis !

L’Abbé Sarabande soupesa toutes ces richesses avec ses petits doigts blancs voluptueusement crochus.

— Cela doit valoir mille ducats…, au moins !

Il regardait les perles une à une. Son regard s’arrêta sur la croix de rubis ; il remarqua avec une émotion affectée les armoiries des Ducs de l’Ardenza et de l’Antignano. Puis il leva les yeux au ciel, marmotta quelques phrases en latin et se signa.

— Sur mon cœur, Mattacchione, venez sur mon cœur !

Mais Mattacchione ne bronchait pas.

— Voyons, que vous faut-il encore ? Vous avez l’air tout contrit. Vous devriez rayonner de joie, pour avoir su, enfin, venger le dernier affront. Qu’avez-vous donc ? Êtes-vous souffrant ? Votre mutisme m’angoisse.

Les musiciens jouaient un air triste. L’Abbé Sarabande prit une voix de fausset tendre et mielleuse.

— Que désirez-vous donc, mon enfant ?

Les chandelles aux flammes tremblotantes pleuraient des gouttes de cire. Mattacchione poussa un très profond soupir ; dans ses yeux brillaient deux larmes.

— Asolane !

Et il éclata en sanglots.

Versailles, 1-15 septembre 1918.