Page:Allatini - Sur talons rouges, contes, 1929.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
L’ÉLÉGANTE VENGEANCE

Une forme blanche sortit de l’ombre et traversa un parterre de renoncules baigné de clair de lune ; sa démarche un peu hésitante décelait de l’indécision, et ses gestes un peu brusques et sans souplesse lui donnaient un aspect étrange. Mattacchione intrigué l’observa longuement, avec attention ; il ne put comprendre cette présence dans le parc, à une heure si avancée de la nuit, à une heure où tout le château dormait profondément. Et pourtant, c’était une forme humaine. Il jeta vivement une cape sur ses épaules, et descendit à pas de loup jusqu’au jardin. Il se cacha à l’ombre des grands arbres, pour voir sans être vu ; il avait un peu peur, il se l’avouait sans honte, puisque tout ce qui sort de l’ordinaire humain est effrayant par son mystère inexplicable. Il regardait, il épiait… Elle était toujours là, cette forme, errante de ci, de là, pieds nus, vêtue en toilette de nuit ; elle portait autour du cou un long collier de perles que terminait une croix de rubis. Elle se retourna ; elle regarda bien dans sa direction, mais ne le vit pas…

Mattacchione cramponné derrière un buisson la dévorait des yeux. Qui était-elle ? Que cherchait-elle dans le parc ? Et pourquoi ? Il crut l’entendre parler d’une voix lointaine et grave, presque d’outre-tombe. Quelle était cette voix inconnue, et que disait-elle ? Il lui parut qu’elle cherchait quelqu’un et qu’elle appelait :

— Aldo… Aldo !…

Mattacchione sursauta. C’était le nom de l’aïeul qui attendait la vengeance. Instinctivement, il rampa vers