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SUR TALONS ROUGES

sait la perfection sous les plis de la robe flottante.

— Belle bellissime, — souffrez que je vous appelle ainsi puisque vous êtes connue sous ce nom triomphant, — dites-moi, vous dont l’intelligence et le cœur égalent la beauté, dites-moi, que faites-vous de l’amour ?

L’attitude de Mattacchione la gêna plus que ses paroles.

— Ce que j’en fais ? Tout simplement ma vie. Je suis heureuse.

— Mais ne sentez-vous pas que votre passage est aussi funeste que celui du roi Attila ? Vous mettez les âmes à sac et les cœurs en flammes.

Il lui débita encore mille préciosités qui n’étaient pas toujours très originales, recherchant dans sa mémoire, pour compenser, quelques citations de Cavalcanti ou de Pétrarque. Elle l’écouta, silencieuse, un peu lointaine, puis, la tête haute, elle déclara :

— J’ignore tout amour fors celui de Lisiade.

Une montée de colère empourpra le visage de Mattacchione ; mais il était Florentin et docte des préceptes du « Prince » ; il sut se contenir ; il chercha comme une aumône la main de la bellissime ; elle en comprit le mobile, évita le contact de cette poignée masculine dont la chaleur animale lui faisait horreur.

Un cortège de paons s’avançait sous la treille ; ils faisaient, sur leur tête, trembler une aigrette argentée, et, sur leurs plumes déployées, vertes et bleues, se jouaient des reflets rougeâtres ; ils traînaient un petit